Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/393

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et dans les provinces ; et, malgré les mesures que le roi avait prises pour empêcher les refus de sacrements, plusieurs évêques cherchaient à se faire un mérite de ces refus auprès de la cour de Rome. Un évêque de Nantes, ayant donné dans sa ville cet exemple de rigueur ou de scandale, fut condamné par le simple présidial de Nantes à payer six mille francs d’amende, et les paya sans que le roi le trouvât mauvais : tant il était las de ces disputes.

De pareilles scènes arrivaient dans tout le royaume, et, en attristant quelques intéressés, amusaient la multitude oisive. Il y avait à Orléans un vieux chanoine janséniste qui se mourait, et à qui ses confrères refusaient la communion. (Octobre) Le parlement de Paris les condamna à douze mille livres d’amende, et ordonna que le malade serait communié. Le lieutenant criminel, en conséquence, arrangea tout pour cette cérémonie comme pour une exécution ; les chanoines firent tant que leur confrère mourut sans sacrements, et ils l’enterrèrent le plus mesquinement qu’ils purent.

Rien n’était devenu plus commun dans le royaume que de communier par arrêt du parlement. Le roi, qui avait exilé ses juges séculiers pour n’avoir pas obtempéré à ses ordres, voulut tenir la balance égale, et exiler aussi ceux du clergé qui s’obstineraient au schisme. Il commença par l’archevêque de Paris. (Décembre 1754) Il fut relégué à sa maison de Conflans, à trois quarts de lieue de la ville : exil doux, qui ressemblait plus à un avertissement paternel qu’à une punition.

Les évêques d’Orléans et de Troyes furent pareillement exilés à leurs maisons de plaisance, avec la même douceur. L’archevêque de Paris, étant aussi inflexible dans sa maison de Conflans que dans sa demeure épiscopale, fut relégué plus loin.

Le parlement, pouvant alors agir en liberté, réprimait la Sorbonne, qui, ayant autrefois regardé la bulle avec horreur, la regardait maintenant comme une règle de foi. Elle menaçait de cesser ses leçons, et le parlement, qui avait lui-même cessé ses fonctions plus importantes, ordonnait à la faculté de continuer les siennes : il soutenait les libertés de l’Église gallicane, et le roi l’approuvait ; mais quand il allait trop loin, le roi l’arrêtait ; et en confirmant la partie des arrêts qui tendait au bien public, il cassait celle qui lui paraissait trop peu mesurée. Ce monarque se voyait toujours entre deux grandes factions animées, comme les empereurs romains entre les bleus et les verts ; il était occupé de la guerre maritime que l’Angleterre commençait à lui faire ; celle