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AVANT-PROPOS.


Il fallut toujours rendre la justice : point de société sans tribunal ; mais qu’étaient ces tribunaux ? et comment jugeaient-ils ? Y avait-il une seule juridiction, une seule formalité qui ressemblât aux nôtres ?

Quand la Gaule eut été subjuguée par César, elle fut soumise aux lois romaines. Le gouvernement municipal, qui est le meilleur parce qu’il est le plus naturel, fut conservé dans toutes les villes : elles avaient leur sénat, que nous appelons conseil de ville, leurs domaines, leurs milices. Le conseil de la ville jugeait les procès des particuliers, et dans les affaires considérables on appelait au tribunal du préteur, ou du proconsul, ou du préfet. Cette institution subsiste encore en Allemagne, dans les villes nommées impériales ; et c’est, je crois, le seul monument du droit public des anciens Romains qui n’ait point été corrompu. Je ne parle pas du droit écrit, qui est le fondement de la jurisprudence dans la partie de l’Allemagne où l’on ne suit pas le droit saxon ; ce droit romain est reçu dans l’Italie et dans quelques provinces de France au-delà de la Loire.

Lorsque les Sicambres, ou Francs, dans la décadence de l’empire romain, vinrent des marais du Mein et du Rhin subjuguer une partie des Gaules, dont une autre partie avait été déjà envahie par des Bourguignons, on sait assez dans quel état horrible la partie des Gaules nommée France fut alors plongée. Les Romains n’avaient pu la défendre ; elle se défendit elle-même très-mal, et fut la proie des barbares.

Les temps, depuis Clovis jusqu’à Charlemagne, ne sont qu'un tissu de crimes, de massacres, de dévastations et de fondations de monastères, qui font horreur et pitié ; et après avoir bien examiné le gouvernement des Francs on n’y trouve guère d’autre loi bien nettement reconnue que la loi du plus fort. Voyons, si nous pouvons, ce que c'était alors qu’un parlement.