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CHAPITRE II.


on assembla un parlement à Paris, dans lequel même les députés des villes entrèrent. Ce fait est rapporté très-obscurément ; il n’est point dit que les députés des villes aient donné leur voix. Ces députés ne pouvaient être ceux des villes appartenantes aux hauts-barons ; ils ne l’auraient pas souffert. Ces villes n’étaient presque composées alors que de bourgeois, ou serfs du seigneur, ou affranchis depuis peu, et n’auraient pas donné probablement leur voix avec leurs maîtres. C’étaient, sans doute, les députés de Paris et des villes appartenantes au roi ; il voulait bien les convoquer à ces assemblées. Les grands-bourgeois de ces villes étaient affranchis, le corps de l’hôtel de ville était formé. Saint Louis put les appeler pour entendre les délibérations des barons assemblés en parlement.

Les députés des villes étaient quelquefois, en Allemagne, appelés à l’élection de l’empereur ; on prétend qu’à celle de Henri l’Oiseleur les députés des villes d’Allemagne furent admis dans le champ d’élection[1] ; mais un exemple n’est pas une coutume. Les droits ne sont jamais établis que par la nécessité, par la force, et ensuite par l’usage ; et les villes, en ces temps-là, n’étaient ni assez riches, ni assez puissantes, ni assez bien gouvernées, pour sortir de l’abaissement où le gouvernement féodal les avait plongées. Nous savons bien que les rois et les hauts-barons avaient affranchi plusieurs de leurs bourgeois, à prix d’argent, dès le temps des premières croisades, pour subvenir aux frais de ces voyages insensés. Affranchir signifiait déclarer franc, donner à un Gaulois subjugué le privilége d’un Franc. Francus tenens, libere tenens. Un des plus anciens affranchissements dont la formule nous ait été conservée est de 1185 : « Franchio manu et ore, manumitto a consuetudine legis salicœ Johannem Pithon de vico, hominem meum, et suos legitimos natos, et ad sanum intellectum reduco, ita ut suæ filiæ possint succedere ; dictumque Johannem et suos natos constituo homines meos francos et liberos, et pro hac franchesia habui decem et octo libras viennensium honorum. — J’affranchis de la main et de la bouche, je délivre des coutumes de la loi salique Jean Pithon de vic (ou de ce village), mon homme, et ses fils légitimes, je les réintègre dans leur bon sens, de sorte que ses filles puissent hériter ; et je constitue ledit Jean et ses fils mes hommes francs et libres, et pour cette franchise j’ai reçu dix-huit bonnes livres viennoises. »

  1. Voyez, tome XIII, les Annales de l’Empire, année 920.