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CHAPITRE VI.


et de toutes dignités, honneurs, prérogatives avec les autres peines et pugnianns contre les commetteurs de crimes de lèze-majesté, et leur ligne et postérité..... si donnons en mandement à nos amés et féaux conseillers les gens de notre parlement, et à tous nos autres justiciers, que au regard des conclusions des complaignants et de notre procureur ils fassent et administrent justice aux parties, et procèdent contre lesdits coupables par voie extraordinaire, ce besoin est, et tout ainsi que le cas requiert..... Donné à Paris le 23e jour de décembre, l’an de grâce 1420, et de notre règne le 41e. Par le roi en son conseil ; et plus bas : Millet. »

Il est évident que ce fut en vertu de cet arrêt, prononcé au nom du roi, que la chambre du parlement de Paris donna sa sentence quelques jours après, et condamna le dauphin à ce bannissement.

Jean Juvénal[1] des Ursins, avocat ou procureur du roi, qui fut depuis archevêque de Reims, a laissé des mémoires sur ce temps funeste : et voici ce qu’on trouve dans les annotations sur ces mémoires.

« Du parlement commençant le 12 novembre 1420, le 3 janvier fut ajourné à trois briefs jours[2] en cas de bannissement, à son de trompe, sur la table de marbre, messire Charles de Valois, dauphin de Viennois et seul fils du roi, à la requête du procureur général du roi, pour raison de l’homicide fait en la personne de Jean, duc de Bourgogne, et après toutes solennités faites en tel cas, fut par arrêt convaincu des cas à lui imposés, et comme tel banni et exilé à jamais du royaume, et conséquemment déclaré indigne de succéder à toutes seigneuries venues et à venir ; duquel arrêt ledit Valois appela, tant pour soi que pour ses adhérents, à la pointe de son épée, et fit vœu de relever et de poursuivre sa dite appellation, tant en France qu’en Angleterre, et par tous pays du duc de Bourgogne. »

Ainsi le malheur des temps fit que le premier arrêt que rendit la chambre de parlement contre un pair fut contre le premier des pairs, contre l’héritier nécessaire de la couronne, contre le fils unique du roi. Cet arrêt violait, en faveur de l’étranger et de l’ennemi de l’État, toutes les lois du royaume et celles de la

  1. Voyez la note sur ce personnage, tome XII, page 39.
  2. Il est clair que le président Hénault se trompe en niant ce fait dans son Abrégé chronologique. Il n’avait pas vu cet arrêt. Consultez l’Histoire de France de l’abbé Velli. (Note de Voltaire.)