Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/497

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
487
DE LA VÉNALITÉ DES CHARGES.


chancelier Duprat, premier auteur du concordat, et depuis cardinal, s’étant fait nommer archevêque de Sens par la mère du roi, régente du royaume pendant la captivité de ce monarque, on ne voulut point le recevoir ; le parlement s’y opposa ; on attendit la délivrance du roi. Ce fut alors que François Ier attribua à la juridiction du grand conseil la connaissance de toutes les affaires qui regardent la nomination du roi aux bénéfices[1].

Il est à propos de dire que ce grand conseil avait succédé au véritable conseil des rois, composé autrefois des premiers du royaume, de même que le parlement avait succédé aux quatre grands baillis de saint Louis, aux parloirs du roi. On ne peut faire un pas dans l’histoire qu’on ne trouve des changements dans tous les ordres de l’État et dans tous les corps.

Ce grand conseil fut fixé à Paris par Charles VIII. Il n’avait pas la considération du parlement de Paris, mais il jouissait d’un droit qui le rendait supérieur en ce point à tous les parlements : c’est qu’il connaissait des évocations des causes jugées par les parlements mêmes; il réglait quelle cause devait ressortir à un parlement ou à un autre ; il réformait les arrêts dans lesquels il y avait des nullités ; il faisait, en un mot, ce que fait le conseil d’État, qu’on appelle le conseil des parties. Les parlements lui ont toujours contesté sa juridiction. Les rois, trop souvent occupés de guerres malheureuses, ou de troubles intestins plus malheureux encore, ont pu rarement fixer les bornes de chaque corps, et établir une jurisprudence certaine et invariable. Toute autorité veut toujours croître, tandis que d’autres puissances veulent la diminuer. Les établissements humains ressemblent aux fleuves, dont les uns enflent leurs cours, et les autres se perdent dans des sables.



CHAPITRE XVI.


DE LA VÉNALITÉ DES CHARGES ET DES REMONTRANCES SOUS FRANÇOIS Ier.


Depuis l'extinction du gouvernement féodal en France, on ne combattait plus qu’avec de l'argent, surtout quand on faisait la

  1. Comparez le commencement du chapitre CXXXVII de l’Essai sur les Mœurs.