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DE LA VÉNALITÉ DES CHARGES.


d’Italie, il acheta la grille d’argent dont Louis XI avait orné l’église de Saint-Martin de Tours. Elle pesait six mille sept cent soixante et seize marcs deux onces moins un gros ; il prit aussi des ornements d’argent dans d’autres églises : faibles secours pour conquérir le Milanais et le royaume de Naples, qu’il ne conquit point.

Le payement de cette argenterie fut assigné sur ses domaines ; il y en avait pour deux cent cinquante mille francs. Les moines et les chanoines, pour se mettre à l’abri des censures de Rome, et encore plus pour assurer leur payement sur le domaine du roi, voulurent que ce marché fût enregistré au parlement.

Le roi envoya le capitaine Frédéric, commandant de la garde écossaise, porter au parlement les lettres patentes pour l’enregistrement (20 juin 1522). L’avocat du roi Jean Le Lièvre parla ; il exposa les cas où ce n’était pas la coutume de prendre l’argent des églises, et les cas où il était permis de le prendre. Il fut arrêté que la cour écrirait au roi les raisons pour lesquelles icelles lettres patentes ne pouvaient être publiées.

C’est le premier exemple que nous ayons des remontrances du parlement sur un objet de finances[1]. Il s’agissait proprement de prévenir un procès entre le domaine du roi et les gens d’église.

Le roi renvoya, le 27 juin, le même capitaine Frédéric avec une lettre, laquelle finissait par ces paroles :

« L’impossible serait de prendre les treillis de Saint-Martin de Tours, et autres joyaux des églises qui ne sont que trois ou quatre, qu’il ne vienne à la connaissance publique d’un chacun, et y en aura plus grand nombre qui le sauront par la prise que par la publication dudit édit ; pourquoi vous mandons derechef et très expressément, et d’autant que craignez la rupture de nos affaires, qui sont telles, et de telle importance que chacun sait, que vous procédiez à la publication et vérification de notredit édit : car ceux de ladite église de Saint-Martin demandent ledit édit en cette forme, si n’y faites plus de difficulté, pour autant que nos affaires nous pressent de si près que la longueur est plus préjudiciable à nous et à notre royaume que ne le vous pourrions écrire. Donné à Lyon le 23 juin. Sic signatum : FRANÇOIS. Et plus bas : Gédoin. »

Le parlement ordonna que les lettres patentes du roi seraient lues, publiées et enregistrées, quoad domanium duntaxat, c’est-à-dire seulement pour ce qui regarde le domaine du roi : « plus

  1. Voyez chapitre XII, page 481.