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DU CHANCELIER DE L’HOSPITAL.


de ville : on se battit avec fureur dans Toulouse : il y périt trois à quatre mille citoyens, et c’est là l’origine de cette fameuse procession qu’on fait encore à Toulouse tous les ans, le 10 mars, en mémoire de ce qu’on devrait oublier. Le chancelier de L’Hospital, sage et inutile médecin de cette frénésie universelle, cassa vainement l’arrêt qui ordonnait cette funeste cérémonie annuelle[1].

Le prince de Condé cependant faisait une véritable guerre. Son propre frère, le roi de Navarre, après avoir longtemps flotté entre la cour et le parti protestant, ne sachant s’il était calviniste ou papiste, toujours incertain et toujours faible, suivit le duc de Guise au siége de Rouen, dont les troupes du prince de Condé s’étaient emparées ; il y fut blessé à mort, en visitant la tranchée le 13 octobre 1562[2] : la ville fut prise et livrée au pillage. Tous les partisans du prince de Condé qu’on y trouva furent massacrés, excepté ceux qu’on réserva au supplice. Le chancelier de L’Hospital, au milieu de ces meurtres, fit encore publier un édit par lequel le roi et la reine sa mère ordonnaient à tous les parlements du royaume de suspendre toute procédure criminelle contre les hérétiques, et proposaient une amnistie générale à ceux qui s’en rendraient dignes.

Voilà le troisième arrêt de douceur et de paix que ce grand homme fit en moins de deux ans ; mais la rage d’une guerre à la fois civile et religieuse l’emporta toujours sur la tolérance du chancelier.

Le parlement de Normandie, malgré l’édit, fit pendre trois conseillers de ville et le prédicant ou ministre Marlorat, avec plusieurs officiers.

Le prince de Condé à son tour souffrit que dans Orléans, dont il était maître, le conseil de ville fît pendre un conseiller du parlement de Paris, nommé Sapin, et un prêtre qui avait été pris en voyageant ; il n’y avait plus d’autre droit que celui de la guerre.

Cette même année se donna la première bataille rangée entre les catholiques et les huguenots, auprès de la petite ville de Dreux, non loin des campagnes d’Ivry, lieu où depuis le grand Henri IV gagna et mérita sa couronne.

D’un côté on voyait ces trois triumvirs, le vieux et malheureux connétable de Montmorency ; François de Guise, qui n’était plus lieutenant général de l’État, mais qui, par sa réputation, en était

  1. Voyez dans les Mélanges, année 1766, l’Avis au public sur les parricides imputés aux Calas et aux Sirven.
  2. Voyez la note sur le vers 88 du chant II de la Henriade, tome VIII, page 69.