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ARRÊTS DE PLUSIEURS PARLEMENTS.


le premier de ce mois[1], a exhorté et exhorte tous les évêques et pasteurs... de faire, chacun en leurs églises, rendre grâces à Dieu de la faveur qu’il nous a faite de la délivrance de la ville de Paris et autres villes du royaume ; a ordonné et ordonne que tous les ans, le premier d’auguste, l’on fera procession et prières publiques en reconnaissance des bénéfices qu’il nous a faits ledit jour. »

Cet étrange arrêt ajoutait défense, sous peine de mort, de reconnaître Henri de Bourbon, soi-disant roi de Navarre, et enjoignait d’observer exactement la bulle d’excommunication lancée contre ce prince par le pape Sixte-Quint, en vertu de laquelle bulle la cour le déclare une seconde fois indigne et incapable de succéder à la couronne de France, comme atteint et convaincu de plusieurs crimes notoires, mentionnés dans ledit arrêt.

C’est ainsi qu’on foulait aux pieds toutes les lois divines et humaines sous le nom de la justice et de la religion.

Tandis que Henri IV, à peine à la tête de trois mille hommes, battait au combat d’Arques[2], près de Dieppe, le duc de Mayenne qui en avait environ dix mille ; tandis que, nuit et jour sous les armes, il regagnait une partie de son royaume par sa valeur et par celle de la noblesse attachée à sa fortune, le cordelier Peretti, devenu pape sous le nom de Sixte-Quint, envoyait un légat à Paris et lui donnait une juridiction entière sur les laïques, dans presque tous les cas qui sont essentiellement de la juridiction royale. Ce légat était le cardinal Cajetan, de la même maison que ce Boniface VIII dont la mémoire était encore si odieuse en France[3]. Ses lettres de créance et les provisions de sa juridiction suprême furent enregistrées sans difficulté au parlement de Paris, le 20 février 1590, à la requête du procureur général.

Dans le même temps la Sorbonne continuait à seconder cette démence, autant qu’il était en elle. (10 février) Elle déclarait sérieusement que le pape est en droit d’excommunier et de déposer les rois ; qu’il n’était pas même permis de traiter avec Henri de Béarn, hérétique et relaps ; que ceux qui le reconnaissaient pour roi étaient en péché mortel ; et elle assurait, au nom de

  1. Henri III, assassiné le 1er août 1589, ne mourut que le 2 du même mois, à deux heures du matin ; voyez la note du chant V de la Henriade, tome VIII, page 145, où il est dit cependant que Henri III est mort le 3. (B.)
  2. 21 septembre 1589.
  3. Voyez tome XI, page 515 et suivantes.