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CHAPITRE XXXVII.


convoqua dans Rouen une espèce d’états généraux sous le nom d’assemblée de notables. On voit assez par toutes ces convocations différentes qu’il n’y avait rien de fixe en France. Ce n’était pas là les anciens parlements du royaume, où tous les guerriers nobles assistaient de droit. Ce n’était ni les diètes de l’empire, ni les états de Suède, ni les cortès d’Espagne ni les parlements d’Angleterre, dont tous les membres sont fixés par les lois. Tous les hommes un peu considérables, qui furent à portée de faire le voyage de Rouen, furent admis dans ces états[1] ; Alexandre de Médicis, légat du pape, y fut introduit, et y eut voix délibérative. L’exemple du cardinal de Plaisance, qui avait tenu les états de la Ligue, lui servait de prétexte, et le roi, qui avait besoin du pape, dérogea aux lois du royaume sans craindre les conséquences d’une vaine cérémonie.

L’ouverture des états se fit le 4 novembre 1596 dans la grande salle de l’abbaye de Saint-Ouen : car il est à remarquer que ce n’est guère que chez les moines que se trouvent ces basiliques immenses où l’on puisse tenir de grandes assemblées. Le clergé de France ne tient ses séances à Paris que chez les moines augustins. Le parlement même d’Angleterre ne siége que dans l’abbaye de Westminster.

Le roi était sur son trône. Au-dessous de lui étaient à droite et à gauche les princes du sang, le connétable Henri de Montmorency, duc et pair ; il n’y avait que deux autres ducs, d’Épernon et Albert de Gondi, avec Jacques de Matignon, maréchal de France. Les quatre secrétaires d’État étaient derrière eux. Le légat avait un siége vis-à-vis le trône du roi ; il était entouré d’un grand nombre d’évêques ; on eût cru voir un autre roi qui tenait sa cour vis-à-vis de Henri IV. Au-dessous de ces évêques était Achille de Harlai, premier président du parlement de Paris, et Pierre Séguier, président à mortier. Ils n’auraient point cédé aux évêques ; mais le cardinal légat leur en imposait. Un président de Toulouse, un de Bordeaux, des maîtres des comptes, des conseillers des cours des aides, des trésoriers de France, des juges, des maires de provinces, étaient rangés en grand nombre sur ces mêmes bancs dont Achille de Harlai occupait le milieu.

Ce fut là que Henri IV prononça ce discours célèbre, dont la mémoire subsistera autant que la France : on vit que la véritable éloquence est dans la grandeur de l’âme.

« Je viens, dit-il, demander vos conseils, les croire et les

  1. 1596. (Note de Voltaire.)