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ÉDIT DE NANTES.


temps attiré ce qu’on appelle les foudres de Rome sur le roi et sur le parlement ; mais la scène se passait en 1599, temps où le roi était maître absolu de son royaume. Philippe II, qui avait tant gouverné la cour de Rome, n’était plus ; et le pape commençait à respecter Henri IV.

Il ne faut pas omettre la réponse sage et plaisante du premier président de Harlai à des bourgeoises de Paris. Madame Catherine, sœur du roi, qui n’avait pas été obligée comme lui de se faire catholique, tenait un prêche public dans son palais. Il n’était pas permis d’en avoir dans la ville ; mais la rigueur des lois comme la volonté du prince pliait sous de justes égards. Trente ou quarante dévotes, excitées par leurs confesseurs, marchèrent en tumulte dans les rues, demandant justice de cet attentat ; armées de crucifix et de chapelets, elles faisaient des stations aux portes des églises, ameutaient le peuple, couraient chez les magistrats. Elles allèrent chez le premier président, et le conjurèrent de remplir les devoirs de sa charge : « Je les remplirai, dit-il, mesdames ; envoyez-moi vos maris, je leur ordonnerai de vous faire enfermer. »



CHAPITRE XL.


DE L’ÉDIT DE NANTES. DISCOURS DE HENRI IV AU PARLEMENT. PAIX DE VERVINS.


Les protestants du royaume étaient affligés d’avoir vu leur religion abandonnée par Henri. Les plus sages lui pardonnaient une politique nécessaire, et lui furent toujours fidèles ; les autres murmurèrent longtemps ; ils tremblèrent de se voir la victime des catholiques, et demandèrent souvent au roi des sûretés contre leurs ennemis. Les ducs de Bouillon et de la Trimouille étaient à la tête de cette faction ; le roi contint les plus mutins, encouragea les plus fidèles, et rendit justice à tous.

Il traita avec eux comme il avait traité avec les ligueurs, mais il ne lui en coûta ni argent ni gouvernements, comme les ligueurs lui en avaient extorqué. Il se souvenait d’ailleurs qu’il avait été longtemps leur chef, qu’il avait gagné avec eux des