des montagnes, où le condamné pria Dieu pour le convertisseur jusqu’à l’âge de quatre-vingt-quatorze ans.
Ce concile, ce jugement, et surtout le président du concile, indignèrent toute la France, et au bout de deux jours on n’en parla plus.
Le pauvre parti janséniste eut recours à des miracles ; mais les miracles ne faisaient plus fortune. Un vieux prêtre de Reims, nommé Rousse, mort, comme on dit, en odeur de sainteté, eut beau guérir les maux de dents et les entorses ; le Saint-Sacrement, porté dans le faubourg Saint-Antoine à Paris, guérit en vain la femme Lafosse d’une perte de sang, au bout de trois mois, en la rendant aveugle[1].
Enfin des enthousiastes s’imaginèrent qu’un diacre, nommé Pâris[2], frère d’un conseiller au parlement, appelant et réappelant, enterré dans le cimetière de Saint-Médard, devait faire des miracles. Quelques personnes du parti, qui allèrent prier sur son tombeau, eurent l’imagination si frappée que leurs organes ébranlés leur donnèrent de légères convulsions. Aussitôt la tombe fut environnée de peuple ; la foule s’y pressait jour et nuit. Ceux qui montaient sur la tombe donnaient à leurs corps des secousses qu’ils prenaient eux-mêmes pour des prodiges. Les fauteurs secrets du parti encourageaient cette frénésie. On priait en langue vulgaire autour du tombeau ; on ne parlait que de sourds qui avaient entendu quelques paroles, d’aveugles qui avaient entrevu, d’estropiés qui avaient marché droit quelques moments. Ces prodiges étaient même juridiquement attestés par une foule de témoins qui les avaient presque vus, parce qu’ils étaient venus dans l’espérance de les voir. Le gouvernement abandonna pendant un mois cette maladie épidémique à elle-même. Mais le concours augmentait ; les miracles redoublaient ; et il fallut enfin fermer le cimetière, et y mettre une garde[3]. Alors les mêmes enthousiastes allèrent faire leurs miracles dans les maisons. Ce tombeau du diacre Pâris fut en effet le tombeau du jansénisme dans l’esprit de tous les honnêtes gens. Ces farces auraient eu des suites sérieuses dans des temps moins éclairés. Il semblait que ceux qui les protégeaient ignorassent à quel siècle ils avaient affaire.
- ↑ Ce fut l’origine d’une procession qu’on appelait procession de Mme Lafosse, et qui s’est faite jusqu’à l’époque de la Révolution. Le miracle est du 31 mai 1725, et fut le sujet d’un mandement de l’archevêque, dans lequel Voltaire est cité ; voyez les lettres à Mme de Bernières, des 27 juin et 31 août 1725.
- ↑ Voyez, dans le Dictionnaire philosophique, le mot Convulsions.
- ↑ Voyez le chapitre lxv de l’Histoire du Parlement.