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CHAPITRE LXVI.


ries, dressées auparavant contre les constitutionnaires. Il convoqua les princes et les pairs du royaume pour le 18 février. Le roi le sut aussitôt, et défendit aux princes et aux pairs de se rendre à cette invitation. Le parlement soutint son droit d’inviter les pairs. Il le soutint inutilement, et ne fit que déplaire à la cour. Aucun pair n’assista à ses assemblées.

Ce qui choqua le plus le gouvernement, ce fut l’association de tous les parlements du royaume, qui se fit alors sous le nom de classes[1]. Le parlement de Paris était la première classe, et tous ensemble paraissaient former un même corps qui représentait le royaume de France, Ce mot de classe fut sévèrement relevé par le chancelier de Lamoignon. Il fallait enregistrer les nouveaux impôts, et on n’enregistrait rien. On ne pouvait soutenir la guerre avec des remontrances. Cet objet était plus important que la bulle, des convulsions, et des arrêts contre des porte-Dieu.

Le roi tint un lit de justice à Versailles[2] ; les princes et les pairs y assistèrent, le parlement y alla dans cinquante-quatre carrosses, mais auparavant il arrêta qu’il n’opinerait point. Il n’opina point en effet, et on enregistra malgré lui l’impôt des deux vingtièmes avec quelques autres. Dès qu’il put s’assembler à Paris, il protesta contre le lit de justice tenu à Versailles. La cour était irritée. Le clergé constitutionnaire, croyant le temps favorable, redoublait ses entreprises avec impunité. Presque tous les parlements du royaume faisaient des remontrances au roi. Ceux de Bordeaux et de Rouen cessaient déjà de rendre la justice. La plus saine partie de la nation en murmurait, et disait : « Pourquoi punir les particuliers des entreprises de la cour ? »

Enfin, après avoir tenu beaucoup de conseils secrets, le roi annonça un nouveau lit de justice pour le 13 décembre. Il arriva au parlement avec les princes du sang, le chancelier, et tous les pairs. Il fit lire un édit dont voici les principaux articles :


1o Bien que la bulle ne soit pas une règle de foi, on la recevra avec soumission,

2o Malgré la loi du silence, les évêques pourront dire tout ce qu’ils voudront, pourvu que ce soit avec charité,

3o Les refus de sacrements seront jugés par les tribunaux ecclésiastiques et non civils, sauf l’appel comme d’abus.

4o Tout ce qui s’est fait précédemment au sujet de ces querelles sera enseveli dans l’oubli.

  1. Voyez, tome XV, le chapitre XXXVI du Précis du Siècle de Louis XV.
  2. 21 août 1756. (Note de Voltaire.)