les Turcs plus de cinquante pas. Mais, le moment d’après, cette petite troupe fut entourée : le roi, qui était en bottes selon sa coutume, s’embarrassa dans ses éperons et tomba ; vingt et un janissaires se jettent aussitôt sur lui ; il jette en l’air son épée pour s’épargner la douleur de la rendre : les Turcs l’emmènent au quartier du bacha, les uns le tenant sous les jambes, les autres sous les bras, comme on porte un malade que l’on craint d’incommoder.
Au moment que le roi se vit saisi, la violence de son tempérament, et la fureur où un combat si long et si terrible avait dû le mettre, firent place tout à coup à la douceur et à la tranquillité. Il ne lui échappa pas un mot d’impatience, pas un coup d’œil de colère. Il regardait les janissaires en souriant, et ceux-ci le portaient en criant alla, avec une indignation mêlée de respect. Ses officiers furent pris au même temps, et dépouillés par les Turcs et par les Tartares. Ce fut le 12 février de l’an 1713 qu’arriva cet étrange événement, qui eut encore des suites singulières[1].
- ↑ M. Nordberg, qui n’était pas présent à cet événement, n’a fait que suivre ici dans son histoire celle de M. de Voltaire ; mais il l’a tronquée, il en a supprimé les circonstances intéressantes, et n’a pu justifier la témérité de Charles XII. Tout ce qu’il a pu dire contre M. de Voltaire, au sujet de cette affaire de Bender, se réduit à l’aventure du sieur Frédéric, valet de chambre du roi de Suède, que quelques-uns prétendaient avoir été brûlé dans la maison du roi, et que d’autres disaient avoir été coupé en deux par les Tartares. La Motraye prétend aussi que le roi de Suède ne dit point ces paroles : « Nous combattrons pro aris et focis » ; mais M. Fabrice, qui était présent, assure que le roi prononça ces mots, que La Motraye n’était pas plus à portée d’écouter qu’il n’était capable de les comprendre, ne sachant pas un mot de latin. (Note de Voltaire.) — Cette note existe dès 1748. (B.)