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PREMIÈRE PARTIE. — CHAPITRE I.


changé par la découverte du cap de Bonne-Espérance ; mais autrefois il n’était pas plus étrange de voir un Indien trafiquer dans les pays septentrionaux de l’Occident que de voir un Romain passer dans l’Inde par l’Arabie. Les Indiens allaient en Perse, s’embarquaient sur la mer d’Hyrcanie, remontaient le Rha, qui est le Volga, allaient jusqu’à la grande Permie par la Kama, et de là pouvaient aller s’embarquer sur la mer du Nord ou sur la Baltique. Il y a eu de tout temps des hommes entreprenants. Les Tyriens firent de plus surprenants voyages.

Si, après avoir parcouru de l’œil toutes ces vastes provinces, vous jetez la vue sur l’orient, c’est là que les limites de l’Europe et de l’Asie se confondent encore. Il aurait fallu un nouveau nom pour cette grande partie du monde. Les anciens divisèrent en Europe, Asie, et Afrique, leur univers connu : ils n’en avaient pas vu la dixième partie ; c’est ce qui fait que quand on a passé les Palus-Méotides, on ne sait plus où l’Europe finit et où l’Asie commence ; tout ce qui est au delà du mont Taurus était désigné par le mot vague de Scythie, et le fut ensuite par celui de Tartarie ou Tatarie. Il serait convenable peut-être d’appeler terres arctiques ou terres du nord tout le pays qui s’étend depuis la mer Baltique jusqu’aux confins de la Chine, comme on donne le nom de terres australes à la partie du monde non moins vaste, située sous le pôle antarctique, et qui fait le contre-poids du globe.


DU GOUVERNEMENT DE LA SIBERIE, DES SAMOYÈDES, DES OSTIAKS,
DU KAMTSCHATKA, ETC.

Des frontières des provinces d’Archangel, de Résan, d’Astracan, s’étend à l’orient la Sibérie avec les terres ultérieures jusqu’à la mer du Japon ; elle touche au midi de la Russie par le mont Caucase ; de là au pays de Kamtschatka, on compte environ douze cents lieues de France ; et de la Tartarie septentrionale, qui lui sert de limite, jusqu’à la mer Glaciale, on en compte environ quatre cents, ce qui est la moindre largeur de l’empire. Cette contrée produit les plus riches fourrures, et c’est ce qui servit à en faire la découverte en 1563. Ce ne fut pas sous le czar Fœdor Ivanovitz, mais sous Ivan Basilides, au xvie siècle, qu’un particulier des environs d’Archangel, nommé Anika, homme riche pour son état et pour son pays, s’aperçut que des hommes d’une figure extraordinaire, vêtus d’une manière jusqu’alors inconnue dans ce canton, et parlant une langue que personne n’entendait,