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PREMIÈRE PARTIE. — CHAPITRE II.


blique romaine : on le donne aujourd’hui aux souverains des Russes à plus juste titre qu’à aucun autre potentat si l’on considère l’étendue et la puissance de leur domination.

RELIGION.

La religion de l’État fut toujours, depuis le xie siècle, celle qu’on nomme grecque par opposition à la latine ; mais il y avait plus de pays mahométans et de païens que de chrétiens. La Sibérie, jusqu’à la Chine, était idolâtre ; et, dans plus d’une province, toute espèce de religion était inconnue.

L’ingénieur Perri et le baron de Stralemberg, qui ont été si longtemps en Russie, disent qu’ils ont trouvé plus de bonne foi et de probité dans les païens que dans les autres : ce n’est pas le paganisme qui les rendait plus vertueux ; mais, menant une vie pastorale, éloignés du commerce des hommes, et vivant comme dans ces temps qu’on appelle le premier âge du monde, exempts de grandes passions, ils étaient nécessairement plus gens de bien.

Le christianisme ne fut reçu que très-tard dans la Russie, ainsi que dans tous les autres pays du Nord. On prétend qu’une princesse nommée Olha l’y introduisit à la fin du xe siècle, comme Clotilde, nièce d’un prince arien, le fit recevoir chez les Francs ; la femme d’un Micislas, duc de Pologne, chez les Polonais ; et la sœur de l’empereur Henri II, chez les Hongrois. C’est le sort des femmes d’être sensibles aux persuasions des ministres de la religion, et de persuader les autres hommes.

Cette princesse Olha, ajoute-t-on, se fit baptiser à Constantinople : ou l’appela Hélène, et, dès qu’elle fut chrétienne, l’empereur Jean Zimiscès ne manqua pas d’en être amoureux. Apparemment qu’elle était veuve. Elle ne voulut point de l’empereur. L’exemple de la princesse Olha ou Olga ne fit pas d’abord un grand nombre de prosélytes : son fils, qui régna longtemps[1], ne pensa point du tout comme sa mère ; mais son petit-fils Vladimir, né d’une concubine, ayant assassiné son frère pour régner, et ayant recherché l’alliance de l’empereur de Constantinople Basile, ne l’obtint qu’à condition qu’il se ferait baptiser. C’est à cette époque de l’année 987 que la religion grecque commença en effet à s’établir en Russie. Un patriarche de Constantinople, nommé Chry-

  1. On rappelait Sviatoslaf. (Note de Voltaire.)