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PREMIÈRE PARTIE. — CHAPITRE III.


dans lequel le Borysthène prend sa source. Les Suédois firent aussi la paix ; ils restèrent en possession de l’Ingrie, et privèrent les Russes de toute communication avec la mer Baltique, de sorte que cet empire resta plus que jamais séparé du reste de l’Europe.

Michel Romano, depuis cette paix, régna tranquille, et il ne se fit dans ses États aucun changement qui corrompît ni qui perfectionnât l’administration. Après sa mort, arrivée en 1645, son fils Alexis Michaelovitz[1], ou fils de Michel, âgé de seize ans, régna par le droit héréditaire. On peut remarquer que les czars étaient sacrés par le patriarche, suivant quelques rites de Constantinople, à cela près que le patriarche de Russie était assis sur la même estrade avec le souverain, et affectait toujours une égalité qui choquait le pouvoir suprême.

ALEXIS MICHAELOVITZ, FILS DE MICHEL.

Alexis se maria comme son père, et choisit parmi les filles qu’on lui amena celle qui lui parut la plus aimable. Il épousa une des deux filles du boïard Miloslauski, en 1647, et ensuite une Nariskin, en 1671. Son favori Morosou épousa l’autre. On ne peut donner à ce Morosou un titre plus convenable que celui de vizir, puisque il était despotique dans l’empire, et que sa puissance excita des révoltes parmi les strélitz et le peuple, comme il est arrivé souvent à Constantinople.

Le règne d’Alexis fut troublé par des séditions sanglantes, par des guerres intestines et étrangères. Un chef des Cosaques du Tanaïs, nommé Stenko-Rasin, voulut se faire roi d’Astracan : il inspira longtemps la terreur ; mais enfin, vaincu et pris, il finit par le dernier supplice, comme tous ses semblables, pour lesquels il n’y a jamais que le trône ou l’échafaud. Environ douze mille de ses partisans furent pendus, dit-on, sur le grand chemin d’Astracan. Cette partie du monde était celle où les hommes, étant le moins gouvernés par les mœurs, ne l’étaient que par les supplices ; et de ces supplices affreux naissaient la servitude et la fureur secrète de la vengeance.

Alexis eut une guerre contre la Pologne ; elle fut heureuse et terminée par une paix qui lui assura la possession de Smolensko, de Kiovie, et de l’Ukraine ; mais il fut malheureux avec les Suédois,

  1. Dans l’Histoire de Charles XII, Voltaire a laissé imprimer Pierre Alexiowitz avec un w ; voyez l’Avertissement de Beuchot, page 120 du présent volume.