naces et les excommunications du pape : tout cédait à la force. Personne n’ignore comment fut faite l’élection de Stanislas Leczinski, et comment Charles XII le fit reconnaître dans une grande partie de la Pologne.
Pierre n’abandonna pas le roi détrôné ; il redoubla ses secours à mesure qu’il fut plus malheureux ; et pendant que son ennemi faisait des rois, il battait les généraux suédois en détail dans l’Estonie, dans l’Ingrie, il courait au siége de Narva, et faisait donner des assauts. Il y avait trois bastions fameux, du moins par leurs noms : on les appelait la Victoire, l’Honneur, et la Gloire. Le czar les emporta tous trois l’épée à la main. Les assiégeants entrent dans la ville, la pillent, et y exercent toutes les cruautés qui n’étaient que trop ordinaires entre les Suédois et les Russes.
Pierre donna alors un exemple qui dut lui concilier les cœurs de ses nouveaux sujets[1] ; il court de tous côtés pour arrêter le pillage et le massacre ; arrache des femmes des mains de ses soldats, et, ayant tué deux de ces emportés qui n’obéissaient pas à ses ordres, il entre à l’hôtel de ville, où les citoyens se réfugiaient en foule ; là, posant son épée sanglante sur la table : « Ce n’est pas du sang des habitants, dit-il, que cette épée est teinte, mais du sang de mes soldats, que j’ai versé pour vous sauver la vie[2]. »
Maître de toute l’Ingrie, Pierre en conféra le gouvernement à Menzikoff, et lui donna le titre de prince et le rang de général-
- ↑ 20 août. (Note de Voltaire.) — Dans l’Histoire de Charles XII, page 210 de ce volume, Voltaire dit le 21 août.
- ↑ Cette phrase est rapportée, avec quelques légères différences, dans l’Histoire de Charles XII, page 210.
- ↑ Les chapitres précédents et tous les suivants sont tirés du Journal de Pierre le Grand, et des Mémoires envoyés de Pétersbourg, confrontés avec tous les autres Mémoires. (Note de Voltaire.)