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CHAPITRE LXVI.


d’anarchie. On ne pouvait casser le parlement, parce qu’il aurait fallu rembourser les charges, et qu’on avait très-peu d’argent. On ne pouvait le tenir toujours exilé, puisque les hommes ne peuvent être assez sages pour ne point plaider.

Enfin le roi prit l’occasion de la naissance d’un duc de Berry[1] pour faire grâce. Le parlement fut rappelé[2]. Le premier président de Maupeou fut reçu dans Paris aux acclamations du peuple. La chambre royale fut supprimée[3] ; mais il était beaucoup plus aisé de rappeler le parlement que de calmer les esprits. À peine ce corps fut-il rassemblé que les refus de sacrements recommencèrent.

L’archevêque de Paris se signala plus que jamais dans cette guerre des billets de confession. Le premier président de Maupeou, qui avait acquis beaucoup de crédit auprès du roi par sa sagesse, fit enfin connaître tous les excès de l’archevêque. Le roi voulut essayer si ce prélat désobéirait à ses ordres comme le parlement avait désobéi. Il lui enjoignit de ne plus troubler l’État par son dangereux zèle. Beaumont prétendit qu’il fallait obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. Le roi l’exila[4] ; mais ce fut à Conflans, à sa maison de campagne, à deux lieues de Paris ; et il faisait autant de mal de Conflans que de son archevêché.

Le parlement eut alors liberté tout entière d’instrumenter contre les habitués, vicaires, curés, porte-Dieu, qui refusaient d’administrer les mourants. Beaumont était aussi inflexible que le parlement avait été constant. Le roi l’exila à Champeaux, dernier bourg de son diocèse. Le parlement avait passé dans toute la France pour le martyr des lois ; l’archevêque fut regardé dans son petit parti comme le martyr de la foi. De Champeaux on l’envoya à Lagny. Les évêques d’Orléans[5] et de Troyes[6], qui étaient de sa faction, furent punis aussi légèrement ; ils en étaient quittes pour aller en leurs maisons de plaisance ; mais

  1. Qui régna depuis sous le nom de Louis XVI. Il était né le 23 août 1754, et fut mis à mort le 21 janvier 1793.
  2. 27 août 1751. (Note de Voltaire.)
  3. 30 août. (Id.)
  4. 2 décembre. (Id.)
  5. Louis-Joseph de Montmorency-Laval, né à Bayers en 1724, sacré évêque d’Orléans en 1754, transféré à l’évêché de Condom en 1757, et à celui de Metz en 1760, nommé cardinal en 1789, mort en 1808. (B.)
  6. Mathias Poncet de La Rivière, né à Paris en 1707, évêque de Troyes en 1742, donna sa démission en 1758, et mourut en 1780. Voyez ce que Voltaire en dit dans ses Mémoires (Mélanges, année 1759), et ce qu’il répète dans son Commentaire historique (Mélanges, année 1776).