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AMOUR SOCRATIQUE.

pédérastie dans son église parce que, dans sa jeunesse, il fit des vers pour le jeune Candide, et qu’il dit :


Amplector hunc et illam.

Je suis pour lui, je suis pour elle.


Il faudra dire qu’ayant chanté des amours honteux dans son jeune âge, il eut dans l’âge mûr l’ambition d’être chef de parti, de prêcher la réforme, de se faire un nom. Hic vir, et ille puer.

On abuse du texte de Plutarque, qui, dans ses bavarderies au Dialogue de l’amour, fait dire à un interlocuteur que les femmes ne sont pas dignes du véritable amour[1] ; mais un autre interlocuteur soutient le parti des femmes comme il le doit. On a pris l’objection pour la décision.

Il est certain, autant que la science de l’antiquité peut l’être, que l’amour socratique n’était point un amour infâme : c’est ce nom d’amour qui a trompé. Ce qu’on appelait les amants d’un jeune homme étaient précisément ce que sont parmi nous les menins de nos princes, ce qu’étaient les enfants d’honneur, des jeunes gens attachés à l’éducation d’un enfant distingué, partageant les mêmes études, les mêmes travaux militaires : institution guerrière et sainte dont on abusa comme des fêtes nocturnes et des orgies.

La troupe des amants instituée par Laïus était une troupe invincible de jeunes guerriers engagés par serment à donner leur vie les uns pour les autres ; et c’est ce que la discipline antique a jamais eu de plus beau.

Sextus Empiricus et d’autres ont beau dire que ce vice était recommandé par les lois de la Perse. Qu’ils citent le texte de la loi ; qu’ils montrent le code des Persans : et si cette abomination s’y trouvait, je ne la croirais pas ; je dirais que la chose n’est pas vraie, par la raison qu’elle est impossible. Non, il n’est pas dans la nature humaine de faire une loi qui contredit et qui outrage la nature, une loi qui anéantirait le genre humain si elle était observée à la lettre. Mais moi je vous montrerai l’ancienne loi des Persans, rédigée dans le Sadder. Il est dit, à l’article ou porte 9, qu’il n’y a point de plus grand péché. C’est en vain qu’un écrivain moderne a voulu justifier Sextus Empiricus et la pédérastie ; les lois de Zoroastre, qu’il ne connaissait pas, sont un

  1. Voyez l’arlicle Femmes. (Note de Voltaire.)