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AMOUR SOCRATIQUE.

témoignage irréprochable que ce vice ne fut jamais recommandé par les Perses. C’est comme si on disait qu’il est recommandé par les Turcs. Ils le commettent hardiment ; mais les lois le punissent.

Que de gens ont pris des usages honteux et tolérés dans un pays pour les lois du pays ! Sextus Empiricus, qui doutait de tout, devait bien douter de cette jurisprudence. S’il eût vécu de nos jours, et qu’il eût vu deux ou trois jeunes jésuites abuser de quelques écoliers, aurait-il eu droit de dire que ce jeu leur est permis par les constitutions d’Ignace de Loyola ?

Il me sera permis de parler ici de l’amour socratique du révérend père Polycarpe, carme chaussé de la petite ville de Gex, lequel en 1771 enseignait la religion et le latin à une douzaine de petits écoliers. Il était à la fois leur confesseur et leur régent, et il se donna auprès d’eux tous un nouvel emploi. On ne pouvait guère avoir plus d’occupations spirituelles et temporelles. Tout fut découvert : il se retira en Suisse, pays fort éloigné de la Grèce.

Ces amusements ont été assez communs entre les précepteurs et les écoliers[1]. Les moines chargés d’élever la jeunesse ont été toujours un peu adonnés à la pédérastie. C’est la suite nécessaire du célibat auquel ces pauvres gens sont condamnés.

Les seigneurs turcs et persans font, à ce qu’on nous dit, élever leurs enfants par des eunuques : étrange alternative pour un pédagogue, d’être châtré ou sodomite.

L’amour des garçons était si commun à Rome qu’on ne s’avisait pas de punir cette turpitude, dans laquelle presque tout le monde donnait tête baissée. Octave-Auguste, ce meurtrier débauché et poltron, qui osa exiler Ovide, trouva très bon que Virgile chantât Alexis ; Horace, son autre favori, faisait de petites odes pour Ligurinus, Horace, qui louait Auguste d’avoir réformé les mœurs, proposait également dans ses satires un garçon et une fille[2] ; mais l’ancienne loi Scantinia, qui défend la pédérastie, subsista toujours : l’empereur Philippe la remit en vigueur, et chassa de Rome les petits garçons qui faisaient le métier. S’il y eut des écoliers spirituels et licencieux comme Pétrone, Rome eut des professeurs tels que Quintilien. Voyez quelles précautions il

  1. Voyez l’article Pétrone. (Note de Voltaire.)
  2. Ancilla aut verna est præsto puer, impetus in quem
    Continuo fiat.

    Hor., lib. I, sat. ii. (Id.)