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ANNATES.

important ouvrage, on peut ajouter que l’époque de l’établissement des annates étant incertaine, c’est une preuve que l’exaction des annates n’est qu’une usurpation, une coutume tortionnaire. Tout ce qui n’est pas fondé sur une loi authentique est un abus. Tout abus doit être réformé, à moins que la réforme ne soit plus dangereuse que l’abus même. L’usurpation commence par se mettre peu à peu en possession : l’équité, l’intérêt public, jettent des cris et réclament. La politique vient, qui ajuste comme elle peut l’usurpation avec l’équité, et l’abus reste.

A l’exemple des papes, dans plusieurs diocèses, les évêques, les chapitres et les archidiacres, établirent des annates sur les cures. Cette exaction se nomme droit de déport en Normandie. La politique n’ayant aucun intérêt à maintenir ce pillage, il fut aboli en plusieurs endroits ; il subsiste en d’autres : tant le culte de l’argent est le premier culte !

En 1409, au concile de Pise, le pape Alexandre V renonça expressément aux annates ; Charles VII les condamna par un édit du mois d’avril 1418 ; le concile de Bâle les déclara simoniaques, et la pragmatique sanction les abolit de nouveau.

François Ier, suivant un traité particulier qu’il avait fait avec Léon X, qui ne fut point inséré dans le concordat, permit au pape de lever ce tribut, qui lui produisit chaque année, sous le règne de ce prince, cent mille écus de ce temps-là, suivant le calcul qu’en fit alors Jacques Cappel, avocat général au parlement de Paris.

Les parlements, les universités, le clergé, la nation entière, réclamaient contre cette exaction ; et Henri II, cédant enfin aux cris de son peuple, renouvela la loi de Charles VII, par un édit du 5 septembre 1551.

La défense de payer l’annate fut encore réitérée par Charles IX aux états d’Orléans en 1560. « Par avis de notre conseil, et suivant les décrets des saints conciles, anciennes ordonnances de nos prédécesseurs rois, et arrêts de nos cours de parlement : ordonnons que tout transport d’or et d’argent hors de notre royaume, et payement de denier, sous couleur d’annates, vacant, et autrement, cesseront, à peine de quadruple contre les contrevenants. »

Cette loi, promulguée dans l’assemblée générale de la nation, semblait devoir être irrévocable ; mais deux ans après, le même prince, subjugué par la cour de Rome alors puissante, rétablit ce que la nation entière et lui-même avaient abrogé.

Henri IV, qui ne craignait aucun danger, mais qui craignait Rome, confirma les annates par un édit du 22 janvier 1596.