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ARANDA.

de Salamanque) est d’une autre espèce ; elle n’a rien de commun avec les lois de l’État. Les inquisiteurs, les théologiens, doivent prier Dieu pour les peuples ; et les ministres, les magistrats établis par les rois sur les peuples, doivent juger.

Un soldat bigame ayant été arrêté pour ce délit par l’auditeur de la guerre, au commencement de l’année 1770, et le Saint-Office ayant prétendu que c’était à lui seul qu’il appartenait de juger ce soldat, le roi d’Espagne a décidé que cette cause devait uniquement ressortir au tribunal du comte d’Aranda, capitaine général, par un arrêt solennel du 5 février de la même année.

L’arrêt porte que le très-révérend archevêque de Pharsale, ville qui appartient aux Turcs, inquisiteur général des Espagnols, doit observer les lois du royaume, respecter les juridictions royales, se tenir dans ses bornes, et ne se point mêler d’emprisonner les sujets du roi.

On ne peut pas tout faire à la fois ; Hercule ne put nettoyer en un jour les écuries du roi Augias. Les écuries d’Espagne étaient pleines des plus puantes immondices depuis plus de cinq cents ans ; c’était grand dommage de voir de si beaux chevaux, si fiers, si légers, si courageux, si brillants, n’avoir pour palefreniers que des moines qui leur appesantissaient la bouche par un vilain mors, et qui les faisaient croupir dans la fange.

Le comte d’Aranda, qui est un excellent écuyer, commence à mettre la cavalerie espagnole sur un autre pied, et les écuries d’Augias seront bientôt de la plus grande propreté.

Ce pourrait être ici l’occasion[1] de dire un petit mot des premiers beaux jours de l’Inquisition, parce qu’il est d’usage dans les dictionnaires, quand on parle de la mort des gens, de faire mention de leur naissance et de leurs dignités[2] ; mais on en trouvera

  1. Dans les Questions sur l’Encyclopédie, 1770, 1771, 1775, on lisait : Nous saisissons cette occasion de, etc. (B.)
  2. Dans les éditions des Questions sur l’Encyclopédie, données du vivant de l’auteur, au lieu de trois lignes qui terminent cet alinéa, et des trois lignes qui composent l’alinéa suivant, il y avait :

    ....dignités.

    « Nous commençons par cette patente curieuse donnée par saint Dominique : Moi, frère Dominique, je réconcilie à l’Égise le nommé Roger, porteur des patentes, à condition qu’il se fera fouetter par un prêtre trois dimanches consécutifs, depuis l’entrée de la ville jusqu’à la porte de l’église ; qu’il fera maigre toute sa vie, qu’il jeûnera trois carêmes dans l’année : qu’il ne boira jamais de vin, qu’il portera le san-benito avec des croix, qu’il récitera le bréviaire tous les jours, dix Pater dans la journée, et vingt à l’heure de minuit ; qu’il gardera désormais la continence, et qu’il se présentera tous les mois au curé de sa paroisse, sous peine d’être traité comme hérétique, parjure et impénitent.

    « Il faudrait savoir si ce n’est pas un autre saint du même nom qui donna cette patente. Il faudrait diligemment rechercher si du temps de saint Dominique on faisait porter le san-benito aux pécheurs, et si ce san-benito n’était pas une chemise bénite qu’on leur donnait en échange de leur argent qu’on leur prenait. Mais étant retirés au milieu des neiges au pied du mont Crapack, qui sépare la Pologne de la Hongrie, nous n’avons qu’une bibliothèque médiocre.

    « La disette de livres dont nous gémissons vers ce mont Crapack où nous sommes, nous empêche aussi d’examiner si saint Dominique assista en qualité d’inquisiteur à la bataille de Muret, ou en qualité de prédicateur, ou en celle d’officier volontaire, et si le titre d’encuirassé lui fut donné aussi bien qu’à l’ermite Dominique ; je crois qu’il était à la bataille de Muret, mais qu’il ne porta point d’armes.

    « Quoique Dominique, etc. » Voyez le reste à l’article Inquisition, section ii. (B.)