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ARIANISME.

écrit l’Histoire de l’Église d’Alexandrie fait parler à peu près ainsi Ozius en présentant la lettre de l’empereur :

« Mes frères, le christianisme commence à peine à jouir de la paix, et vous allez le plonger dans une discorde éternelle. L’empereur n’a que trop raison de vous dire que vous vous querellez pour un sujet fort mince. Certainement si l’objet de la dispute était essentiel, Jésus-Christ, que nous reconnaissons tous pour notre législateur, en aurait parlé ; Dieu n’aurait pas envoyé son fils sur la terre pour ne nous pas apprendre notre catéchisme. Tout ce qu’il ne nous a pas dit expressément est l’ouvrage des hommes, et Terreur est leur partage. Jésus vous a commandé de vous aimer, et vous commencez par lui désobéir en vous haïssant, en excitant la discorde dans l’empire. L’orgueil seul fait naître les disputes, et Jésus votre maître vous a ordonné d’être humbles. Personne de vous ne peut savoir si Jésus est fait, ou engendré. Et que vous importe sa nature, pourvu que la vôtre soit d’être justes et raisonnables ? Qu’a de commun une vaine science de mots avec la morale qui doit conduire vos actions ? Vous chargez la doctrine de mystères, vous qui n’êtes faits que pour affermir la religion par la vertu. Voulez-vous que la religion chrétienne ne soit qu’un amas de sophismes ? est-ce pour cela que le Christ est venu ? Cessez de disputer ; adorez, édifiez, humiliez-vous, nourrissez les pauvres, apaisez les querelles des familles au lieu de scandaliser l’empire entier par vos discordes. »

« Ozius parlait à des opiniâtres. On assembla un concile de Nicée, et il y eut une guerre civile spirituelle dans l’empire romain. Cette guerre en amena d’autres, et de siècle en siècle on s’est persécuté mutuellement jusqu’à nos jours. »

Ce qu’il y eut de triste, c’est que la persécution commença dès que le concile fut terminé ; mais lorsque Constantin en avait fait l’ouverture, il ne savait encore quel parti prendre, ni sur qui il ferait tomber la persécution. Il n’était point chrétien[1] quoiqu’il fût à la tête des chrétiens ; le baptême seul constituait alors le christianisme, et il n’était point baptisé ; il venait même de faire rebâtir à Rome le temple de la Concorde. Il lui était sans doute fort indifférent qu’Alexandre d’Alexandrie, ou Eusèbe de Nicomédie, et le prêtre Arius, eussent raison ou tort ; il est assez évident, par la lettre ci-dessus rapportée, qu’il avait un profond mépris pour cette dispute.

  1. Voyez Vision de Constantin. (Note de Voltaire)