Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome17.djvu/382

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
362
ARIANISME.

Mais il arriva ce qu’on voit, et ce qu’on verra à jamais dans toutes les cours. Les ennemis de ceux qu’on nomma depuis ariens accusèrent Eusèbe de Nicomédie d’avoir pris autrefois le parti de Licinius contre l’empereur. « J’en ai des preuves, dit Constantin dans sa lettre à l’Église de Nicomédie, par les prêtres et les diacres de sa suite que j’ai pris, etc. »

Ainsi donc, dès le premier grand concile, l’intrigue, la cabale, la persécution, sont établies avec le dogme, sans pouvoir en affaiblir la sainteté. Constantin donna les chapelles de ceux qui ne croyaient pas la consubstantialité à ceux qui la croyaient, confisqua les biens des dissidents à son profit, et se servit de son pouvoir despotique pour exiler Arius et ses partisans, qui alors n’étaient pas les plus forts. On a dit même que de son autorité privée il condamna à mort quiconque ne brûlerait pas les ouvrages d’Arius ; mais ce fait n’est pas vrai. Constantin, tout prodigue qu’il était du sang des hommes, ne poussa pas la cruauté jusqu’à cet excès de démence absurde, de faire assassiner par ses bourreaux celui qui garderait un livre hérétique, pendant qu’il laissait vivre l’hérésiarque.

Tout change bientôt à la cour ; plusieurs évêques inconsubstantiels, des eunuques, des femmes, parlèrent pour Arius, et obtinrent la révocation de la lettre de cachet. C’est ce que nous avons vu arriver plusieurs fois dans nos cours modernes en pareille occasion.

Le célèbre Eusèbe, évêque de Césarée, connu par ses ouvrages, qui ne sont pas écrits avec un grand discernement, accusait fortement Eustathe, évêque d’Antioche, d’être sabellien ; et Eustathe accusait Eusèbe d’être arien. On assembla un concile à Antioche ; Eusèbe gagna sa cause ; on déposa Eustathe ; on offrit le siège d’Antioche à Eusèbe, qui n’en voulut point ; les deux partis s’armèrent l’un contre l’autre : ce fut le prélude des guerres de controverse. Constantin, qui avait exilé Arius pour ne pas croire le Fils consubstantiel, exila Eustathe pour le croire : de telles révolutions sont communes.

Saint Athanase était alors évêque d’Alexandrie ; il ne voulut point recevoir dans la ville Arius, que l’empereur y avait envoyé, disant « qu’Arius était excommunié ; qu’un excommunié ne devait plus avoir ni maison, ni patrie ; qu’il ne pouvait ni manger, ni coucher nulle part, et qu’il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes ». Aussitôt nouveau concile à Tyr, et nouvelles lettres de cachet. Athanase est déposé par les Pères de Tyr, et exilé à Trêves par l’empereur. Ainsi Arius, et Athanase, son plus grand ennemi,