Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome17.djvu/391

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
371
ARISTOTE.

ses sujets dans son coffre des Danaïdes, dont elle sort le moment d’après par cent ouvertures. Alexandre faisait venir chez Aristote éléphants, rhinocéros, tigres, lions, crocodiles, gazelles, aigles, autruches. Et nous autres, quand par hasard on nous amène un animal rare dans nos foires, nous allons l’admirer pour vingt sous ; et il meurt avant que nous ayons pu le connaître.


DU MONDE ÉTERNEL.


Aristote soutient expressément dans son livre du Ciel, chap. xi, que le monde est éternel : c’était l’opinion de toute l’antiquité, excepté des épicuriens. Il admettait un Dieu, un premier moteur ; et il le définit[1] Un, éternel, immobile, indivisible, sans qualités.

Il fallait donc qu’il regardât le monde émané de Dieu comme la lumière émanée du soleil, et aussi ancienne que cet astre.

A l’égard des sphères célestes, il est aussi ignorant que tous les autres philosophes. Copernic n’était pas venu.


DE SA MÉTAPHYSIQUE.


Dieu étant le premier moteur, il fait mouvoir l’âme ; mais qu’est-ce que Dieu selon lui, et qu’est-ce que l’âme ? L’âme est une entéléchie. Mais que veut dire entéléchie[2] ? C’est, dit-il, un principe et un acte, une puissance nutritive, sentante, et raisonnable. Cela ne veut dire autre chose, sinon que nous avons la faculté de nous nourrir, de sentir, et de raisonner. Le comment et le pourquoi sont un peu difficiles à saisir. Les Grecs ne savaient pas plus ce que c’est qu’une entéléchie que les Topinambous et nos docteurs ne savent ce que c’est qu’une âme.


DE SA MORALE.


La morale d’Aristote est, comme toutes les autres, fort bonne : car il n’y a pas deux morales. Celles de Confutzée, de Zoroastre, de Pythagore, d’Aristote, d’Épictète, de Marc-Antonin, sont absolument les mêmes. Dieu a mis dans tous les cœurs la connaissance du bien avec quelque inclination pour le mal.

Aristote dit qu’il faut trois choses pour être vertueux : la

  1. Livre VII, chapitre xii. (Note de Voltaire.)
  2. Livre II, chapitre ii. (Id.)