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ARISTOTE.

nature, la raison, et l’habitude ; rien n’est plus vrai. Sans un bon naturel la vertu est trop difficile ; la raison le fortifie, et l’habitude rend les actions honnêtes aussi familières qu’un exercice journalier auquel on s’est accoutumé.

Il fait le dénombrement de toutes les vertus, entre lesquelles il ne manque pas de placer l’amitié. Il distingue l’amitié entre les égaux, les parents, les hôtes, et les amants. On ne connaît plus parmi nous l’amitié qui naît des droits de l’hospitalité. Ce qui était le sacré lien de la société chez les anciens n’est parmi nous qu’un compte de cabaretier. Et à l’égard des amants, il est rare aujourd’hui qu’on mette de la vertu dans l’amour. On croit ne devoir rien à une femme à qui on a mille fois tout promis.

Il est triste que nos premiers docteurs n’aient presque jamais mis l’amitié au rang des vertus, n’aient presque jamais recommandé l’amitié ; au contraire, ils semblèrent inspirer souvent l’inimitié. Ils ressemblaient aux tyrans, qui craignent les associations.

C’est encore avec très-grande raison qu’Aristote met toutes les vertus entre les extrêmes opposés. Il est peut-être le premier qui leur ait assigné cette place.

Il dit expressément que la piété est le milieu entre l’athéisme et la superstition.


DE SA RHÉTORIQUE.


C’est probablement sa Rhétorique et sa Poétique que Cicéron et Quintilien ont en vue. Cicéron, dans son livre de l’Orateur, dit : Personne n’eut plus de science, plus de sagacité, d’invention, et de jugement ; Quintilien va jusqu’à louer non-seulement l’étendue de ses connaissances, mais encore la suavité de son élocution, eloquendi suavitatem.

Aristote veut qu’un orateur soit instruit des lois, des finances, des traités, des places de guerre, des garnisons, des vivres, des marchandises. Les orateurs des parlements d’Angleterre, des diètes de Pologne, des états de Suède, des pregadi de Venise, etc., ne trouveront pas ces leçons d’Aristote inutiles ; elles le sont peut-être à d’autres nations.

Il veut que l’orateur connaisse les passions des hommes, et les mœurs, les humeurs de chaque condition.

Je ne crois pas qu’il y ait une seule finesse de l’art qui lui échappe. Il recommande surtout qu’on apporte des exemples quand on parle d’affaires publiques : rien ne fait un plus grand effet sur l’esprit des hommes.