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ARMES, ARMÉES.

Saül, depuis roi de Juda, n’avait que des ânesses ; et les fils de David s’enfuirent tous sur des mules lorsque Absalon eut tué son frère Amnon. Absalon n’était monté que sur une mule dans la bataille qu’il livra contre les troupes de son père ; ce qui prouve, selon les histoires juives, que l’on commençait alors à se servir de juments en Palestine, ou bien qu’on y était déjà assez riche pour acheter des mules des pays voisins.

Les Grecs se servirent peu de cavalerie ; ce fut principalement avec la phalange macédonienne qu’Alexandre gagna les batailles qui lui assujettirent la Perse.

C’est l’infanterie romaine qui subjugua la plus grande partie du monde. César, à la bataille de Pharsale, n’avait que mille hommes de cavalerie.

On ne sait point en quel temps les Indiens et les Africains commencèrent à faire marcher les éléphants à la tête de leurs armées. Ce n’est pas sans surprise qu’on voit les éléphants d’Annibal passer les Alpes, qui étaient beaucoup plus difficiles à franchir qu’aujourd’hui.

On a disputé longtemps sur les dispositions des armées romaines et grecques, sur leurs armes, sur leurs évolutions.

Chacun a donné son plan des batailles de Zama et de Pharsale.

Le commentateur Calmet, bénédictin, a fait imprimer trois gros volumes du Dictionnaire de la Bible, dans lesquels, pour mieux expliquer les commandements de Dieu, il a inséré cent gravures où se voient des plans de bataille et des sièges en taille-douce. Le Dieu des Juifs était le Dieu des armées, mais Calmet n’était pas son secrétaire : il n’a pu savoir que par révélation comment les armées des Amalécites, des Moabites, des Syriens, des Philistins, furent arrangées pour les jours de meurtre général. Ces estampes de carnage, dessinées au hasard, enchérirent son livre de cinq ou six louis d’or, et ne le rendirent pas meilleur.

C’est une grande question, si les Francs, que le jésuite Daniel appelle Français par anticipation, se servaient de flèches dans leurs armées, s’ils avaient des casques et des cuirasses.

Supposé qu’ils allassent au combat presque nus, et armés seulement, comme on le dit, d’une petite hache de charpentier, d’une épée et d’un couteau ; il en résultera que les Romains, maîtres des Gaules, si aisément vaincus par Clovis, avaient perdu toute leur ancienne valeur, et que les Gaulois aimèrent autant devenir les sujets d’un petit nombre de Francs que d’un petit nombre de Romains.

L’habillement de guerre changea ensuite, ainsi que tout change.