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AROT ET MAROT, ET ALCORAN.

ment, des caresses sans mollesse, des voluptés sans excès : « Tres nobilitates, illecebra sine titillatione, blanditia sine mollitudine et voluptas sine exuberantia. »

Saint Thomas assure que l’odorat des corps glorieux sera parfait, et que l’humide ne l’affaiblira pas : « In corporibus gloriosis erit odor in sua ultima perfectione, nullo modo per humidum repressus[1]. » Un grand nombre d’autres docteurs traitent à fond cette question.

Suarez, dans sa Sagesse, s’exprime ainsi sur le goût : Il n’est pas difficile à Dieu de faire que quelque humeur sapide agisse dans l’organe du goût, et l’affecte intentionnellement : « Non est Deo difficile facere ut sapidus humor sit intra organum gustus qui sensum illum possit intentionaliter afficere[2]. »

Enfin saint Prosper, en résumant tout, prononce que les bienheureux seront rassasiés sans dégoût, et qu’ils jouiront de la santé sans maladie : « Saturitas sine fastidio, et tota sanitas sine morbo[3]. »

Il ne faut donc pas tant s’étonner que les mahométans aient admis l’usage des cinq sens dans leur paradis. Ils disent que la première béatitude sera l’union avec Dieu : elle n’exclut pas le reste.

Le paradis de Mahomet est une fable ; mais, encore une fois il n’y a ni contradiction ni saleté.

La philosophie demande des idées nettes et précises ; Grotius ne les avait pas. Il citait beaucoup, et il étalait des raisonnements apparents, dont la fausseté ne peut soutenir un examen réfléchi.

On pourrait faire un très-gros livre de toutes les imputations injustes dont on a chargé les mahométans. Ils ont subjugué une des plus belles et des plus grandes parties de la terre. Il eût été plus beau de les chasser que de leur dire des injures.

L’impératrice de Russie donne aujourd’hui un grand exemple ; elle leur enlève Azof et Taganrock, la Moldavie, la Valachie la Géorgie ; elle pousse ses conquêtes jusqu’aux remparts d’Erzéroum ; elle envoie contre eux, par une entreprise inouïe des flottes qui partent du fond de la mer Baltique, et d’autres qui couvrent le Pont-Euxin ; mais elle ne dit point, dans ses manifestes, qu’un pigeon soit venu parler à l’oreille de Mahomet.


  1. Page 506. (Note de Voltaire.)
  2. Livre XVI, chapitre xx. (Id.)
  3. Numéro 232. (Id.)