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ASSASSINAT.
Dicitur, et vivens alio sub corpore, sexus
Mirifice solito dispungere sanguine menses.

C’est ce qu’un poète du temps de Henri II a traduit ainsi dans son style gaulois :

La femme à Loth, quoique sel devenue,
Est femme encor, car elle a sa menstrue.

Les pays des aromates furent aussi le pays des fables. C’est vers les cantons de l’Arabie Pétrée, c’est dans ces déserts, que les anciens mythologistes prétendent que Myrrha, petite-fille d’une statue, s’enfuit après avoir couché avec son père, comme les filles de Loth avec le leur, et qu’elle fut métamorphosée en l’arbre qui porte la myrrhe. D’autres profonds mythologistes assurent qu’elle s’enfuit dans l’Arabie Heureuse, et cette opinion est aussi soutenable que l’autre.

Quoi qu’il en soit, aucun de nos voyageurs ne s’est encore avisé d’examiner le terrain de Sodome, son asphalte, son sel, ses arbres et leurs fruits ; de peser l’eau du lac, de l’analyser, devoir si les matières spécifiquement plus pesantes que l’eau ordinaire y surnagent, et de nous rendre un compte fidèle de l’histoire naturelle du pays. Nos pèlerins de Jérusalem n’ont garde d’aller faire ces recherches : ce désert est devenu infesté par des Arabes vagabonds qui courent jusqu’à Damas, qui se retirent dans les cavernes des montagnes, et que l’autorité du bacha de Damas n’a pu encore réprimer. Ainsi les curieux sont fort peu instruits de tout ce qui concerne le lac Asphaltide.

Il est bien triste pour les doctes que parmi tous les sodomistes que nous avons, il ne s’en soit pas trouvé un seul qui nous ait donné des notions de leur capitale.


ASSASSIN[1], ASSASSINAT.
Section première.


Nom corrompu du mot Ehissessin. Rien n’est plus ordinaire à ceux qui vont en pays lointain que de mal entendre, mal répéter, mal écrire dans leur propre langue ce qu’ils ont mal compris dans une langue absolument étrangère, et de tromper ensuite

  1. Questions sur l’Encyclopédie, deuxième partie, 1770. (B.)