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ATHÉE.

par les ordres de son gracieux souverain Ferdinand II, et que lui Seni s’en retournerait à pied en Italie.

Il est évident qu’on ne peut rien savoir de l’avenir que par conjectures. Ces conjectures peuvent être si fortes qu’elles approcheront d’une certitude. Vous voyez une baleine avaler un petit garçon : vous pourriez parier dix mille contre un qu’il sera mangé ; mais vous n’en êtes pas absolument sûr, après les aventures d’Hercule, de Jonas et de Roland le fou, qui restèrent si longtemps dans le ventre d’un poisson.

On ne peut trop répéter qu’Albert le Grand et le cardinal d’Ailly ont fait tous deux l’horoscope de Jésus-Christ. Ils ont lu évidemment dans les astres combien de diables il chasserait du corps des possédés, et par quel genre de mort il devait finir ; mais malheureusement ces deux savants astrologues n’ont rien dit qu’après coup.

Nous verrons ailleurs que, dans une secte qui passe pour chrétienne[1] on ne croit pas qu’il soit possible à l’intelligence suprême de voir l’avenir autrement que par une suprême conjecture : car l’avenir n’existant point, c’est, selon eux, une contradiction dans les termes de voir présent ce qui n’est pas.


ATHÉE.


SECTION PREMIÈRE.


Il y a eu beaucoup d’athées chez les chrétiens ; il y en a aujourd’hui beaucoup moins. Ce qui paraîtra d’abord un paradoxe, et qui à l’examen paraîtra une vérité, c’est que la théologie avait souvent jeté les esprits dans l’athéisme, et qu’enfin la philosophie les en a retirés. Il fallait en effet pardonner autrefois aux hommes de douter de la Divinité, quand les seuls qui la leur annonçaient disputaient sur sa nature. Les premiers Pères de l’Église faisaient presque tous Dieu corporel ; les autres ensuite, ne lui donnant point d’étendue, le logeaient cependant dans une partie du ciel : il avait selon les uns créé le monde dans le temps, et selon les autres il avait créé le temps ; ceux-là lui donnaient un fils semblable à lui, ceux-ci n’accordaient point que le fils fût semblable au père. On disputait sur la manière dont une troisième personne dérivait des deux autres.

  1. Les Sociniens. Voyez l’article Puissance, toute-puissance.