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BATAILLON.

dire, de menton. On porta des moustaches sous Louis XIV jusque vers l’année 1672. Sous Louis XIII, c’était une petite barbe en pointe. Henri IV la portait carrée, Charles-Quint, Jules II, François Ier, remirent en honneur à leur cour la large barbe, qui était depuis longtemps passée de mode. Les gens de robe alors, par gravité et par respect pour les usages de leurs pères, se faisaient raser, tandis que les courtisans en pourpoint et en petit manteau portaient la barbe la plus longue qu’ils pouvaient. Les rois alors, quand ils voulaient envoyer un homme de robe en ambassade, priaient ses confrères de souffrir qu’il laissât croître sa barbe, sans qu’on se moquât de lui dans la chambre des comptes ou des enquêtes. En voilà trop sur les barbes.


BATAILLON[1].


Ordonnance militaire.


La quantité d’hommes dont un bataillon a été successivement composé a changé depuis l’impression de l’Encyclopédie ; et on changera encore les calculs par lesquels, pour tel nombre donné d’hommes, on doit trouver les côtés du carré, les moyens de faire ce carré plein ou vide, et de faire d’un bataillon un triangle à l’imitation du cuneus des anciens, qui n’était cependant point un triangle. Voilà ce qui est déjà à l’article Bataillon, dans l’Encyclopédie ; et nous n’ajouterons que quelques remarques sur les propriétés ou sur les défauts de cette ordonnance.

La méthode de ranger les bataillons sur trois hommes de hauteur leur donne, selon plusieurs officiers, un front fort étendu, et des flancs très-faibles : le flottement, suite nécessaire de ce grand front, ôte à cette ordonnance les moyens d’avancer légèrement sur l’ennemi ; et la faiblesse de ses flancs l’expose à être battu toutes les fois que ses flancs ne sont pas appuyés ou protégés ; alors il est obligé de se mettre en carré, et il devient presque immobile : voilà, dit-on, ses défauts.

Ses avantages, ou plutôt son seul avantage, c’est de donner beaucoup de feu, parce que tous les hommes qui le composent peuvent tirer ; mais on croit que cet avantage ne compense pas ses défauts, surtout chez les Français.

La façon de faire la guerre aujourd’hui est toute différente de

  1. Questions sur l’Encyclopédie, troisième partie, 1770. (B.)