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BIENS D’ÉGLISE.

que ce chétif animal adroit de crier humblement, et de chercher à comprendre, en criant, pourquoi ces lois éternelles ne sont pas faites pour le bien-être de chaque individu.

Ce système du Tout est bien ne représente l’auteur de toute la nature que comme un roi puissant et malfaisant, qui ne s’embarrasse pas qu’il en coûte la vie à quatre ou cinq cent mille hommes, et que les autres traînent leurs jours dans la disette et dans les larmes, pourvu qu’il vienne à bout de ses desseins.

Loin donc que l’opinion du meilleur des mondes possibles console, elle est désespérante pour les philosophes qui l’embrassent. La question du bien et du mal demeure un chaos indébrouillable pour ceux qui cherchent de bonne foi ; c’est un jeu d’esprit pour ceux qui disputent : ils sont des forçats qui jouent avec leurs chaînes. Pour le peuple non pensant, il ressemble assez à des poissons qu’on a transportés d’une rivière dans un réservoir ; ils ne se doutent pas qu’ils sont là pour être mangés le carême : aussi ne savons-nous rien du tout par nous-mêmes des causes de notre destinée.

Mettons à la fin de presque tous les chapitres de métaphysique les deux lettres des juges romains quand ils n’entendaient pas une cause, L, N., non liquet, cela n’est pas clair. Imposons surtout silence aux scélérats, qui, étant accablés, comme nous du poids des calamités humaines, y ajoutent la fureur de la calomnie. Confondons leurs exécrables impostures, en recourant à la foi et à la Providence[1].

Des raisonneurs ont prétendu qu’il n’est pas dans la nature de l’Être des êtres que les choses soient autrement qu’elles sont. C’est un rude système ; je n’en sais pas assez pour oser seulement l’examiner.



BIENS D’ÉGLISE[2].


SECTION PREMIÈRE.


L’Évangile défend à ceux qui veulent atteindre à la perfection d’amasser des trésors et de conserver leurs biens temporels.

  1. Ici, dans les Questions sur l’Encyclopédie, l’auteur rapportait la fin de son Poëme sur le désastre de Lisbonne (tome IX), depuis ce vers :
    Ce malheur, dites-vous, est le bien d’un autre être. (B.)
  2. Dans les Questions sur l’Encyclopédie, troisième partie, 1770, se trouvaient les quatre sections de cet article, sauf le dernier alinéa. (B.)