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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome17.djvu/607

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BIENS D’ÉGLISE

«[1] Nolite thesaurizare vobis thesauros in terra. —[2] Si vis perfectus esse, vade, vende quæ habes, et da pauperibus. —[3] Et omnis qui reliquerit domum vel fratres, aut sorores, aut patrem, aut matrem, aut uxorem, aut filios, aut agros, propter nomen meum, centuplum accipiet, et vitam æternam possidebit. »

Les apôtres et leurs premiers successeurs ne recevaient aucun immeuble : ils n’en acceptaient que le prix ; et après avoir prélevé ce qui était nécessaire pour leur subsistance, ils distribuaient le reste aux pauvres. Saphire et Ananie ne donnèrent pas leurs biens à saint Pierre, mais ils les vendirent, et lui en apportèrent le prix : « Vende quae habes, et da pauperibus[4]. »

L’Église possédait déjà des biens-fonds considérables sur la fin du IIIe siècle, puisque Dioclétien et Maximien en prononcèrent la confiscation en 302.

Dès que Constantin fut sur le trône des Césars, il permit de doter les églises comme l’étaient les temples de l’ancienne religion ; et dès lors l’Église acquit de riches terres. Saint Jérôme s’en plaignit dans une de ses lettres à Eustochie : « Quand vous les voyez, dit-il, aborder d’un air doux et sanctifié les riches veuves qu’ils rencontrent, vous croiriez que leur main ne s’étend que pour leur donner des bénédictions ; mais c’est au contraire pour recevoir le prix de leur hypocrisie. »

Les saints prêtres recevaient sans demander. Valentinien Ier crut devoir défendre aux ecclésiastiques de rien recevoir des veuves et des femmes par testament, ni autrement. Cette loi, que l’on trouve au Code Théodosien, fut révoquée par Marcien et par Justinien.

Justinien, pour favoriser les ecclésiastiques, défendit aux juges par sa novelle XVIII, chap. xi, d’annuler les testaments faits en faveur de l’Église, quand même ils ne seraient pas révêtus des formalités prescrites par les lois.

Anastase avait statué en 491 que les biens d’Église se prescriraient par quarante ans. Justinien inséra cette loi dans son code[5] mais ce prince, qui changea continuellement la jurisprudence, étendit cette prescription à cent ans. Alors quelques ecclésiastiques, indignes de leur profession, supposèrent de faux titres[6] ;

  1. Matthieu, chapitre vi, v. 19. (Note de Voltaire.)
  2. Id., chapitre xix, v. 21. (Id.)
  3. Ibid. v. 29. (Id.)
  4. Matthieu, xix, 21.
  5. Cod., tit. De Fund. patrimon. (Note de Voltaire.)
  6. Cod., leg. XXIV, De sacrosanctis Ecclesiis. (Id.)