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CLOU.
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le mahométisme, qui cédera peut-être la place à une religion nouvelle.

Dans toutes ces vicissitudes le climat n’est entré pour rien : le gouvernement a tout fait. Nous ne considérons ici que les causes secondes, sans lever des yeux profanes vers la Providence qui les dirige. La religion chrétienne, née dans la Syrie, ayant reçu ses principaux accroissements dans Alexandrie, habite aujourd’hui les pays où Teutate, Inninsul, Frida, Odin, étaient adorés.

Il y a des peuples dont ni le climat ni le gouvernement n’ont fait la religion. Quelle cause a détaché le nord de l’Allemagne, le Danemark, les trois quarts de la Suisse, la Hollande, l’Angleterre, l’Écosse, l’Irlande, de la communion romaine ?... la pauvreté. On vendait trop cher les indulgences et la délivrance du purgatoire à des âmes dont les corps avaient alors très-peu d’argent. Les prélats, les moines, engloutissaient tout le revenu d’une province. On prit une religion à meilleur marché. Enfin, après vingt guerres civiles, on a cru que la religion du pape était fort bonne pour les grands seigneurs, et la réformée pour les citoyens. Le temps fera voir qui doit l’emporter vers la mer Egée et le Pont-Euxin, de la religion grecque ou de la religion turque.



CLOU[1].


Nous ne nous arrêterons pas à remarquer la barbarie agreste qui fit clou de clavus, et Cloud de Clodoaldus, et clou de girofle, quoique le girofle ressemble fort mal à un clou, et clou, maladie de l’œil, et clou, tumeur de la peau, etc. Ces expressions viennent de la négligence et de la stérilité de l’imagination : c’est la honte d’un langage.

Nous demandons seulement ici aux réviseurs de livres la permission de transcrire ce que le missionnaire Labat, dominicain, provéditeur du saint-office, a écrit sur les clous de la croix, à laquelle il est plus que probable que jamais aucun clou ne fut attaché.

«[2] Le religieux italien qui nous conduisait eut assez de crédit pour nous faire voir entre autres un des clous dont notre Seigneur fut attaché à la croix. Il me parut bien différent de celui que les bénédictins font voir à Saint-Denis. Peut-être que celui de Saint-

  1. Questions sur l’Encyclopédie, quatrième partie, 1771. (B.)
  2. Voyages du jacobin Labat, tome VIII, pages 34 et 35. (Note de Voltaire.)