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CONSCIENCE.

Ulpien, Tribonien, Dumoulin, le chancelier de L’Hospital, le chancelier d’Aguesseau, demandez-leur bien pardon de l’erreur où vous êtes tombé.

SECTION III[1].


De la conscience trompeuse.


Ce qu’on a peut-être jamais dit de mieux sur cette question importante se trouve dans le livre comique de Tristram Shandy, écrit par un curé nommé Sterne, le second[2] Rabelais d’Angleterre ; il ressemble à ces petits satyres de l’antiquité qui renfermaient des essences précieuses.

Deux vieux capitaines à demi-paye, assistés du docteur Slop, font les questions les plus ridicules. Dans ces questions, les théologiens de France ne sont pas épargnés. On insiste particulièrement sur un Mémoire présenté à la Sorbonne par un chirurgien, qui demande la permission de baptiser les enfants dans le ventre de leurs mères, au moyen d’une canule qu’il introduira proprement dans l’utérus, sans blesser la mère ni l’enfant.

Enfin ils se font lire par un caporal un ancien sermon sur la conscience, composé par ce même curé Sterne.

Parmi plusieurs peintures, supérieures à celles de Rembrandt et au crayon de Callot, il peint un honnête homme du monde passant ses jours dans les plaisirs de la table, du jeu et de la débauche, ne faisant rien que la bonne compagnie puisse lui reprocher, et par conséquent ne se reprochant rien. Sa conscience et son honneur l’accompagnent aux spectacles, au jeu, et surtout lorsqu’il paye libéralement la fille qu’il entretient. Il punit sévèrement, quand il est en charge, les petits larcins du commun peuple ; il vit gaiement, et meurt sans le moindre remords.

Le docteur Slop interrompt le lecteur pour dire que cela est impossible dans l’Église anglicane, et ne peut arriver que chez des papistes.

Enfin le curé Sterne cite l’exemple de David, qui a, dit-il, tantôt une conscience délicate et éclairée, tantôt une conscience très-dure et très-ténébreuse.

  1. Voyez la note, page 234.
  2. L’autre Rabelais anglais est Swift : voyez dans les Mélanges, année 1734, la vingt-deuxième des Lettres philosophiques ; Voltaire a aussi parlé de Swift dans la cinquième de ses Lettres à Son Altesse monseigneur le prince de *** (voyez les Mélanges, année 1767). Il parle de Tristram Shandy dans l’un des Articles fournis par lui au Journal de politique et de littérature (voyez les Mélanges, année 1777 ).