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CONSCIENCE.

Lorsqu’il peut tuer son roi dans une caverne, il se contente de lui couper un pan de sa robe : voilà une conscience délicate. Il passe une année entière sans avoir le moindre remords de son adultère avec Bethsabée et du meurtre d’Urie : voilà la même conscience endurcie et privée de lumière.

Tels sont, dit-il, la plupart des hommes. Nous avouons à ce curé que les grands du monde sont très-souvent dans ce cas : le torrent des plaisirs et des affaires les entraîne ; ils n’ont pas le temps d’avoir de la conscience, cela est bon pour le peuple ; encore n’en a-t-il guère quand il s’agit de gagner de l’argent. Il est donc très bon de réveiller souvent la conscience des couturières et des rois par une morale qui puisse faire impression sur eux ; mais pour faire cette impression, il faut mieux parler qu’on ne parle aujourd’hui.

SECTION IV[1].


Liberté de conscience.


(Traduit de l’allemand.)


Nous n’adoptons pas tout ce paragraphe ; mais comme il y a quelques vérités, nous n’avons pas cru devoir l’omettre ; et nous ne nous chargeons pas de justifier ce qui peut s’y trouver de peu mesuré et de trop dur[2].


L’aumônier du prince de ***, lequel prince est catholique romain, menaçait un anabaptiste de le chasser des petits États du prince ; il lui disait qu’il n’y a que trois sectes autorisées dans l’empire[3] ; que pour lui, anabaptiste, qui était d’une quatrième, il n’était pas digne de vivre dans les terres de monseigneur ; et enfin, la conversation s’échauffant, l’aumônier menaça l’anabaptiste de le faire pendre.

« Tant pis[4] pour Son Altesse, répondit l’anabaptiste ; je suis un

  1. Cette section, avec les variantes qui suivent, était reproduite plus loin sous le mot Liberté de conscience. Elle était dans les Questions sur l’Encyclopédie, 4e partie, 1771, telle que je la laisse ici. — Ce morceau avait déjà paru avec le texte que je mets en variante, à la suite du Fragment des instructions pour le prince royal de *** (voyez les Mélanges, année 1767), et avait été reproduit dans les Nouveaux Mélanges, partie ixe, 1770).
  2. Il est assez singulier que cette note ait été mise à celle des deux versions de l’article qui est la plus mesurée, ainsi qu’on peut en juger. (B.)
  3. Variante... dans l’empire : celle qui mange Jésus-Christ sur la foi seule, dans un morceau de pain en buvant un coup ; celle qui mange Jésus-Christ Dieu avec du pain ; et celle qui mange Jésus-Christ Dieu en corps et en âme, sans pain ni vin ; que pour lui, anabaptiste qui ne mange Dieu en aucune façon, il n’était pas digne, etc.
  4. Var. Ma foi tant pis, etc.