Vanini, vous serez bien surpris de ne voir que des preuves de l’existence de Dieu. Voici ce qu’on lit dans son Amphitheatrum, ouvrage également condamné et ignoré : « Dieu est son principe et son terme, sans fin et sans commencement, n’ayant besoin ni de l’un ni de l’autre, et père de tout commencement et de toute fin ; il existe toujours, mais dans aucun temps ; pour lui le passé ne fut point, et l’avenir ne viendra point ; il règne partout sans être dans un lieu ; immobile sans s’arrêter, rapide sans mouvement ; il est tout, et hors de tout ; il est dans tout, mais sans être enfermé ; hors de tout, mais sans être exclu d’aucune chose ; bon, mais sans qualité ; entier, mais sans parties ; immuable en variant tout l’univers ; sa volonté est sa puissance ; simple, il n’y a rien en lui de purement possible, tout y est réel ; il est le premier, le moyen, le dernier acte ; enfin étant tout, il est au-dessus de tous les êtres, hors d’eux, dans eux, au delà d’eux, à jamais devant et après eux. » C’est après une telle profession de foi que Vanini fut déclaré athée. Sur quoi fut-il condamné ? sur la simple déposition d’un nommé Francon[1]. En vain ses livres déposaient pour lui. Un seul ennemi lui a coûté la vie, et l’a flétri dans l’Europe.
Le petit livre de Cymbalum mundi[2], qui n’est qu’une imitation froide de Lucien, et qui n’a pas le plus léger, le plus éloigné rapport au christianisme, a été aussi condamné aux flammes. Mais Rabelais a été imprimé avec privilége, et on a très-tranquillement laissé un libre cours à l’Espion turc[3], et même aux Lettres persanes, à ce livre léger, ingénieux et hardi, dans lequel il y a une lettre tout entière en faveur du suicide ; une autre où l’on trouve ces propres mots : « Si l’on suppose une religion ; » une autre où il est dit expressément que les évêques n’ont « d’autres fonctions que de dispenser d’accomplir la loi ; » une autre[4] enfin où il est dit que le pape est un magicien qui fait accroire que trois ne sont qu’un, que le pain qu’on mange n’est pas du pain, etc.
- ↑ Voyez Athéisme, section iii.
- ↑ Le Cymbalum mundi, ouvrage de Bonaventure des Périers (dont Voltaire parle assez longuement dans la septième de ses Lettres à Son Altesse monseigneur le prince de ***, voyez les Mélanges, année 1767), imprimé en 1537, réimprimé en 1538, l’a été encore en 1711 et en 1732, petit in-12. Voltaire lui-même l’a fait réimprimer en 1770 dans le tome III du recueil intitulé les Choses utiles et agréables. (B.)
- ↑ Voyez la note sur la seconde édition des Honnêtetés littéraires, dans les Mélanges, année 1767.
- ↑ Voyez Œuvres complètes de Montesquieu, édition E. Laboulaye ; Paris, Garnier frères, 1875, tome Ier, pages 254, 164, 124, 111.