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DONATIONS.

dans cette affaire. Quand le principe est si vicieux, tous les effets le sont. Naples n’appartient donc pas plus au pape que l’Angleterre. Il y a encore une autre façon de se pourvoir contre cet ancien marché : c’est le droit des gens, plus fort que le droit des fiefs. Ce droit des gens ne veut pas qu’un souverain appartienne à un autre souverain ; et la loi la plus ancienne est qu’on soit le maître chez soi, à moins qu’on ne soit le plus faible.


DES DONATIONS FAITES PAR LES PAPES.


Si on a donné des principautés aux évêques de Rome, ils en ont donné bien davantage. Il n’y a pas un seul trône en Europe dont ils n’aient fait présent. Dès qu’un prince avait conquis un pays, ou même voulait le conquérir, les papes le lui accordaient au nom de saint Pierre. Quelquefois même ils firent les avances, et l’on peut dire qu’ils ont donné tous les royaumes, excepté celui des cieux.

Peu de gens en France savent que Jules II donna les États du roi Louis XII à l’empereur Maximilien, qui ne put s’en mettre en possession ; et l’on ne se souvient pas assez que Sixte-Quint, Grégoire XIV et Clément VIII, furent près de faire une libéralité de la France à quiconque Philippe II aurait choisi pour le mari de sa fille Claire-Eugénie.

Quant aux empereurs, il n’y en a pas un, depuis Charlemagne, que la cour de Rome n’ait prétendu avoir nommé. C’est pourquoi Swift, dans son Conte du Tonneau, dit que milord Pierre devint tout à fait fou, et que Martin et Jean, ses frères, voulurent le faire enfermer par avis de parents. Nous ne rapportons cette témérité que comme un blasphème plaisant d’un prêtre anglais contre l’évêque de Rome.

Toutes ces donations disparaissent devant celles des Indes orientales et occidentales, dont Alexandre VI investit l’Espagne et le Portugal de sa pleine puissance et autorité divine : c’était donner presque toute la terre. Il pouvait donner de même les globes de Jupiter et de Saturne avec leurs satellites.


DONATIONS ENTRE PARTICULIERS.


Les donations des citoyens se traitent tout différemment. Les codes des nations sont convenus d’abord unanimement que personne ne peut donner le bien d’autrui, de même que personne ne peut le prendre : c’est la loi des particuliers.