Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome18.djvu/503

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Ainsi, il est dit dans les Nombres[1] : « Pourquoi avez-vous mené l’Église dans le désert ? » et dans le Deutéronome[2] : « L’eunuque, le Moabite, l’Ammonite, n’entreront pas dans l’Église ; les Iduméens, les Égyptiens, n’entreront dans l’Église qu’à la troisième génération. »

Jésus-Christ dit dans saint Matthieu[3] : « Si votre frère a péché contre vous (vous a offensé), reprenez-le entre vous et lui. Prenez, amenez avec vous un ou deux témoins, afin que tout s’éclaircisse par la bouche de deux ou trois témoins ; et s’il ne les écoute pas, plaignez-vous à l’assemblée du peuple, à l’Église ; et s’il n’écoute pas l’Église, qu’il soit comme un Gentil, ou un receveur des deniers publics. Je vous dis, ainsi soit-il, en vérité, tout ce que vous aurez lié sur terre sera lié au ciel, et ce que vous aurez délié sur terre sera délié au ciel. » (Allusion aux clefs des portes, dont on liait et déliait la courroie.)

Il s’agit ici de deux hommes dont l’un a offensé l’autre et persiste. On ne pouvait le faire comparaître dans l’assemblée, dans l’Église chrétienne : il n’y en avait point encore ; on ne pouvait faire juger cet homme dont son compagnon se plaignait par un évêque et par les prêtres qui n’existaient pas encore ; de plus, ni les prêtres juifs ni les prêtres chrétiens ne furent jamais juges des querelles entre particuliers : c’était une affaire de police ; les évêques ne devinrent juges que vers le temps de Valentinien III.

Les commentateurs ont donc conclu que l’écrivain sacré de cet Évangile fait parler ici notre Seigneur par anticipation ; que c’est une allégorie, une prédiction de ce qui arrivera quand l’Église chrétienne sera formée et établie.

Selden fait une remarque importante sur ce passage[4] : c’est qu’on n’excommuniait point chez les Juifs les publicains, les receveurs des deniers royaux. Le petit peuple pouvait les détester ; mais étant des officiers nécessaires, nommés par le prince, il n’était jamais tombé dans la tête de personne de vouloir les séparer de l’assemblée. Les Juifs étaient alors sous la domination du proconsul de Syrie, qui étendait sa juridiction jusqu’aux confins de la Galilée et jusque dans l’île de Chypre, où il avait des vice-gérents. Il aurait été très-imprudent de marquer publiquement son horreur pour les officiers légaux du proconsul. L’injustice

  1. Chapitre xx, v. 4. (Note de Voltaire.)
  2. Chapitre xxiii, v. 1, 2, 3. (Id.)
  3. Chapitre xxviii. (Id.
  4. In Synedris Hebrœorum, lib. II. (Id.)