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ÉGLISE.

même eût été jointe à l’imprudence : car les chevaliers romains, fermiers du domaine public, les receveurs de l’argent de César, étaient autorisés par les lois.

Saint Augustin, dans son sermon lxxxi, peut fournir des réflexions pour l’intelligence de ce passage. Il parle de ceux qui gardent leur haine, qui ne veulent point pardonner. « Cœpisti habere fratrem tuum tanquam publicanum. Ligas illum in terra ; sed ut juste alliges, vide : nam injusta vincula disrumpit justitia. Quum autem correxeris et concordaveris cum fratre tuo, solvisti eum in terra. — Vous regardez votre frère comme un publicain : c’est l’avoir lié sur la terre ; mais voyez si vous le liez justement, car la justice rompt les liens injustes ; mais si vous avez corrigé votre frère, si vous vous êtes accordé avec lui, vous l’avez délié sur la terre. »

Il semble, par la manière dont saint Augustin s’explique, que l’offensé ait fait mettre l’offenseur en prison, et qu’on doive entendre que s’il est jeté dans les liens sur la terre, il est aussi dans les liens célestes ; mais que si l’offensé est inexorable, il devint lié lui-même. Il n’est point question de l’Église dans l’explication de saint Augustin ; il ne s’agit que de pardonner ou de ne pardonner pas une injure. Saint Augustin ne parle point ici du droit sacerdotal de remettre les péchés de la part de Dieu. C’est un droit reconnu ailleurs, un droit dérivé du sacrement de la confession. Saint Augustin, tout profond qu’il est dans les types et dans les allégories, ne regarde pas ce fameux passage comme une allusion à l’absolution donnée ou refusée par les ministres de l’Église catholique romaine dans le sacrement de pénitence.


DU NOM D’ÉGLISE DANS LES SOCIÉTÉS CHRÉTIENNES.


On ne reconnaît dans plusieurs États chrétiens que quatre Églises, la grecque, la romaine, la luthérienne, la réformée ou calviniste. Il en est ainsi en Allemagne ; les primitifs ou quakers, les anabaptistes, les sociniens, les mennonites, les piétistes, les moraves, les juifs et autres, ne forment point d’église. La religion juive a conservé le titre de synagogue. Les sectes chrétiennes qui sont tolérées n’ont que des assemblées secrètes, des conventicules : il en est de même à Londres.

On ne reconnaît l’Église catholique ni en Suède, ni en Danemark, ni dans les parties septentrionales de l’Allemagne, ni en Hollande, ni dans les trois quarts de la Suisse, ni dans les trois royaumes de la Grande-Bretagne.