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FEMME.
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« La naturelle température des femmes est fort humide, ce qui leur rend la charnure ainsi molle, lissée et luisante, avec leurs purgations menstruelles. Quand donc le vin vient à tomber en une si grande humidité, alors, se trouvant vaincu, il perd sa couleur et sa force, et devient décoloré et éveux ; et en peut-on tirer quelque chose des paroles mêmes d’Aristote : car il dit que ceux qui boivent à grands traits sans reprendre haleine, ce que les anciens appelaient amusizein, ne s’enivrent pas si facilement parce que le vin ne leur demeure guère dedans le corps ; ainsi étant pressé et poussé à force, il passe tout outre à travers. Or le plus communément nous voyons que les femmes boivent ainsi, et si est vraisemblable que leur corps, à cause de la continuelle attraction qui se fait des humeurs par contre-bas pour leurs purgations menstruelles, est plein de plusieurs conduits, et percé de plusieurs tuyaux et écheneaux, desquels le vin venant à tomber en sort vilement et facilement sans se pouvoir attacher aux parties nobles et principales, lesquelles étant troublées, l’ivresse s’en ensuit. »

Cette physique est tout à fait digne des anciens.

Les femmes vivent un peu plus que les hommes, c’est-à-dire qu’en une génération on trouve plus de vieilles que de vieillards. C’est ce qu’ont pu observer en Europe tous ceux qui ont fait des relevés exacts des naissances et des morts. Il est à croire qu’il en est ainsi dans l’Asie et chez les négresses, les rouges, les cendrées, comme chez les blanches. Natura est semper sibi consona.

Nous avons rapporté ailleurs[1] un extrait d’un journal de la Chine, qui porte qu’en l’année 1725 la femme de l’empereur Yong-tching ayant fait des libéralités aux pauvres femmes de la Chine qui passaient soixante et dix ans[2] on compta dans la seule province de Kanton, parmi celles qui reçurent ces présents, 98,222 femmes de soixante et dix ans passés, 40,893 âgées de plus de quatre-vingts ans, et 3,453 d’environ cent années. Ceux qui aiment les causes finales disent que la nature leur accorde une plus longue vie qu’aux hommes pour les récompenser de la peine qu’elles prennent de porter neuf mois des enfants, de les mettre au monde, et de les nourrir. Il n’est pas à croire que la nature donne des récompenses ; mais il est probable que le sang des femmes étant plus doux, leurs fibres s’endurcissent moins vite.

  1. Tome XI, page 169.
  2. Lettre très-instructive du jésuite Constantin au jésuite Souciet, dix-neuvième recueil. (Note de Voltaire.)