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FLEUVES.

Ce fut sur son charmant rivage,
Que sa fille volage
Me promit de m’aimer toujours.
Le zéphyr fut témoin, l’onde fut attentive,
Quand la nymphe jura de ne changer jamais ;
Mais le zéphyr léger et l’onde fugitive
Ont bientôt emporté les serments qu’elle a faits.

(Isis, acte 1, scène ii.)

C’est là le modèle du style fleuri. On pourrait donner pour exemple du style doux, qui n’est pas le doucereux, et qui est moins agréable que le style fleuri, ces vers d’un autre opéra :

Plus j’observe ces lieux, et plus je les admire ;
Ce fleuve coule lentement,
Et s’éloigne à regret d’un séjour si charmant.

(Armide, acte II, scène iii.)

Le premier morceau est fleuri, presque toutes les paroles sont des images riantes ; le second est plus dénué de ces fleurs, il n’est que doux[1].



FLEUVES[2].

 

Ils ne vont pas à la mer avec autant de rapidité que les hommes vont à l’erreur. Il n’y a pas longtemps qu’on a reconnu que tous les fleuves sont produits par les neiges éternelles qui couvrent les cimes des hautes montagnes, ces neiges par les pluies, ces pluies par les vapeurs de la terre et des mers, et qu’ainsi tout est lié dans la nature.

J’ai vu dans mon enfance soutenir des thèses où l’on prouvait que tous les fleuves et toutes les fontaines venaient de la mer. C’était le sentiment de toute l’antiquité. Ces fleuves passaient dans de grandes cavernes, et de là se distribuaient dans toutes les parties du monde.

Lorsque Aristée va pleurer la perte de ses abeilles chez Cyrène, sa mère, déesse de la petite rivière Énipée en Thessalie, la rivière se sépare d’abord et forme deux montagnes d’eau à droite et à gauche pour le recevoir selon l’ancien usage ; après quoi il voit

  1. Isis et Armide, d’où ces deux morceaux sont tirés, sont des opéras de Quinault.
  2. Questions sur l’Encyclopédie, sixième partie, 1771. (B.)