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FRANC OU FRANQ ;

heureux que dans sa jeunesse, lorsque tout était gouverné par des favoris de son âge ; et il rendit son royaume florissant dans un âge plus avancé.

Les Français se servirent toujours des mêmes armes que leurs voisins, et eurent à peu près la même discipline dans la guerre. Ils ont été les premiers qui ont quitté l’usage de la lance et des piques. La bataille d’Ivry commença à décrier l’usage des lances, qui fut bientôt aboli, et sous Louis XIV les piques ont été oubliées. Ils portèrent des tuniques et des robes jusqu’au xvie siècle. Ils quittèrent sous Louis le Jeune l’usage de laisser croître la barbe, et le reprirent sous François Ier ; et on ne commença à se raser entièrement que sous Louis XIV. Les habillements changèrent toujours ; et les Français, au bout de chaque siècle, pouvaient prendre les portraits de leurs aïeux pour des portraits d’étrangers.


FRANÇOIS[1].


On prononce aujourd’hui français, et quelques auteurs l’écrivent de même ; ils en donnent pour raison qu’il faut distinguer François qui signifie une nation, de François, qui est un nom propre, comme saint François, ou François Ier.

Toutes les nations adoucissent à la longue la prononciation des mots qui sont le plus en usage ; c’est ce que les Grecs appelaient euphonie. On prononçait la diphthongue oi rudement, au commencement du xvie siècle. La cour de François Ier adoucit la langue comme les esprits : de là vient qu’on ne dit plus françois par un o, mais français ; qu’on dit il aimait, il croyait, et non pas il aimoit, il croyoit, etc.

La langue française ne commença à prendre quelque forme que vers le xe siècle ; elle naquit des ruines du latin et du celte, mêlées de quelques mots tudesques. Ce langage était d’abord le romanum rusticum, le romain rustique, et la langue tudesque fut la langue de la cour jusqu’au temps de Charles le Chauve ; le tudesque demeura la seule langue de l’Allemagne, après la grande époque du partage en 843. Le romain rustique, la langue romance prévalut dans la France occidentale ; le peuple du pays de Vaud, du Valais, de la vallée d’Engadine, et de quelques autres can-

  1. Dans les Questions sur l’Encyclopédie, sixième partie, 1771, était ici l’article intitulé Langue française. Voyez ci-après, page 185. Ce sont les éditeurs de Kehl qui ont intercalé l’article François, que Voltaire avait donné, en 1757, dans le tome VII de l’Encyclopédie. (B.)