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FRANCHISE.

C’est un vain jeu d’esprit, c’est un lieu commun de dire que sans la liberté prétendue de la volonté, les peines et les récompenses sont inutiles. Raisonnez, et vous conclurez tout le contraire.

Si, quand on exécute un brigand, son complice qui le voit expirer a la liberté de ne se point effrayer du supplice ; si sa volonté se détermine d’elle-même, il ira du pied de l’échafaud assassiner sur le grand chemin ; si ses organes, frappés d’horreur, lui font éprouver une terreur insurmontable, il ne volera plus. Le supplice de son compagnon ne lui devient utile et n’assure la société qu’autant que sa volonté n’est pas libre.

La liberté n’est donc et ne peut être autre chose que la puissance de faire ce qu’on veut. Voilà ce que la philosophie nous apprend. Mais si on considère la liberté dans le sens théologique, c’est une matière si sublime que des regards profanes n’osent pas s’élever jusqu’à elle[1].



FRANCHISE[2].


Mot qui donne toujours une idée de liberté dans quelque sens qu’on le prenne ; mot venu des Francs, qui étaient libres : il est si ancien que, lorsque le Cid assiégea et prit Tolède, dans le xie siècle, on donna des franchis ou franchises aux Français qui étaient venus à cette expédition, et qui s’établirent à Tolède. Toutes les villes murées avaient des franchises, des libertés, des priviléges, jusque dans la plus grande anarchie du pouvoir féodal. Dans tous les pays d’états, le souverain jurait à son avènement de garder leurs franchises.

Ce nom, qui a été donné généralement aux droits des peuples aux immunités, aux asiles, a été plus particulièrement affecté aux quartiers des ambassadeurs à Rome. C’était un terrain autour des palais ; et ce terrain était plus ou moins grand, selon la volonté de l’ambassadeur. Tout ce terrain était un asile aux criminels ; on ne pouvait les y poursuivre. Cette franchise fut restreinte sous Innocent XI à l’enceinte des palais. Les églises et les couvents en Italie ont la même franchise, et ne l’ont point dans les autres États. Il y a dans Paris plusieurs lieux de franchise, où les débiteurs ne peuvent être saisis pour leurs dettes par la justice ordinaire, et où les ouvriers peuvent exercer leurs métiers sans

  1. Voyez l’article Liberté.
  2. Encyclopédie, tome VII, 1757. (B.)