Ajoutons que c’est précisément dans les cours qu’il y a toujours le moins d’honneur.
L’ingannare, il mentir, la frode, il furto,
E la rapina di pietà vestita,
Crescer col dan no e precipizio altrui,
E far a se de l’altrui biasmo onore,
Son le virtù di quella gente infida.
Ceux qui n’entendent pas l’italien peuvent jeter les yeux sur ces quatre vers français, qui sont un précis de tous les lieux communs qu’on a débités sur les cours depuis trois mille ans :
Ramper avec bassesse en affectant l’audace,
S’engraisser de rapine en attestant les lois,
Étouffer en secret son ami qu’on embrasse,
Voilà l’honneur qui règne à la suite des rois.
C’est en effet dans les cours que des hommes sans honneur parviennent souvent aux plus hautes dignités ; et c’est dans les républiques qu’un citoyen déshonoré n’est jamais nommé par le peuple aux charges publiques.
Le mot célèbre du duc d’Orléans régent suffit pour détruire le fondement de l’Esprit des lois : « C’est un parfait courtisan, il n’a ni humeur, ni honneur. »
Honorable, honnêteté, honnête, signifie souvent la même chose qu’honneur. Une compagnie honorable, de gens d’honneur. On lui fit beaucoup d’honnêtetés, on lui dit des choses honnêtes ; c’est-à-dire on le traita de façon à le faire penser honorablement de lui-même.
D’honneur on a fait honoraire. Pour honorer une profession au-dessus des arts mécaniques, on donne à un homme de cette profession un honoraire, au lieu de salaire et de gages qui offenseraient son amour-propre. Ainsi honneur, faire honneur, honorer, signifient faire accroire à un homme qu’il est quelque chose, qu’on le distingue.
Il me vola, pour prix de mon labeur,
Mon honoraire en me parlant d’honneur[1].
- ↑ Ces deux vers sont du Pauvre Diable. Voyez tome X, page 104.