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INQUISITION.

le dit très-bien Hostiensis, le supplice du feu est la peine due à l’hérésie. On lit dans saint Jean[1] : Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il sera jeté dehors comme un sarment, et il séchera, et on le ramassera pour le jeter au feu et le brûler. Ajoutons, continue Pegna, que la coutume universelle de la république chrétienne vient à l’appui de ce sentiment. Simancas et Roxas décident qu’il faut les brûler vifs ; mais il y a une précaution qu’il faut toujours prendre en les brûlant, c’est de leur arracher la langue ou de leur fermer la bouche, afin qu’ils ne scandalisent pas les assistants par leurs impiétés.

Enfin, page 369, Eymeric ordonne qu’en matière d’hérésie on procède tout uniment, sans les criailleries des avocats, et sans tant de solennités dans les jugements ; c’est-à-dire qu’on rende la procédure la plus courte qu’il est possible en en retranchant les délais inutiles, en travaillant à instruire la cause, même dans les jours où les autres juges suspendent leurs travaux, en rejetant tout appel qui ne sert qu’à éloigner le jugement, en n’admettant pas une multitude inutile de témoins, etc.

Cette jurisprudence révoltante n’a été que restreinte en Espagne et en Portugal, tandis que l’Inquisition même vient enfin d’être entièrement supprimée à Milan[2].

SECTION II.

L’Inquisition est, comme on sait, une invention admirable et tout à fait chrétienne pour rendre le pape et les moines plus puissants, et pour rendre tout un royaume hypocrite.

On regarde d’ordinaire saint Dominique comme le premier à qui l’on doit cette sainte institution. En effet, nous avons encore une patente donnée par ce grand saint, laquelle est conçue en ces propres mots : « Moi, frère Dominique, je réconcilie à l’Église

  1. Chapitre xv, v. 6. (Note de Voltaire.)
  2. Elle vient de l’être en Sicile et dans la Toscane : Gênes et Venise ont la faiblesse de la conserver ; mais on ne lui laisse aucune activité. Elle subsiste, mais sans pouvoir, dans les États de la maison de Savoie. La gloire d’abolir ce monument odieux du fanatisme et de la barbarie de nos pères n’a encore tenté aucun souverain pontife. L’Inquisition de Rome est l’objet du mépris de l’Europe, et même des Romains, depuis son absurde procédure contre Galilée. La noblesse avignonaise permet à ce tribunal d’exister dans un coin de la France, et, contente de n’en avoir rien à craindre, elle n’est point sensible à la honte de porter ce joug monastique. En Espagne et en Portugal, l’Inquisition, devenue moins atroce, a repris tout son pouvoir ; elle menace de la prison et de la confiscation quiconque oserait tenter de faire quelque bien à ces malheureuses contrées. (K.)