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JÉSUITES.

galant bouffon, plaisanteur ; petit compagnon vendeur de sornettes, simple regage qui ne mérite pas d’être le valeton des laquais ; bélître, coquin qui rote, pète et rend sa gorge, fort suspect d’hérésie ou bien hérétique, ou bien pire, un sale et vilain satyre, un archi-maître sot par nature, par bécarre, par bémol, sot à la plus haute gamme, sot à triple semelle, sot à double teinture, et teint en cramoisi, sot en toutes sortes de sottises[1]. »

Ils polirent depuis leur style ; mais l’orgueil, pour être moins grossier, n’en fut que plus révoltant.

On pardonne tout, hors l’orgueil. Voilà pourquoi tous les parlements du royaume, dont les membres avaient été pour la plupart leurs disciples, ont saisi la première occasion de les anéantir, et la terre entière s’est réjouie de leur chute.

Cet esprit d’orgueil était si fort enraciné dans eux qu’il se déployait avec la fureur la plus indécente dans le temps même qu’ils étaient tenus à terre sous la main de la justice, et que leur arrêt n’était pas encore prononcé. On n’a qu’à lire le fameux Mémoire intitulé Il est temps de parler, imprimé dans Avignon en 1762, sous le nom supposé d’Anvers. Il commence par une requête ironique aux gens tenant la cour de parlement. On leur parle, dans cette requête, avec autant de mépris que si on faisait une réprimande à des clercs de procureur. On traite continuellement l’illustre M. de Montclar, procureur général, l’oracle du parlement de Provence, de maître Ripert ; et on lui parle comme un régent en chaire parlerait à un écolier mutin et ignorant. On pousse l’audace jusqu’à dire[2] que M. de Montclar a blasphémé en rendant compte de l’institut des jésuites.

Dans leur Mémoire qui a pour titre : Tout se dira, ils insultent encore plus effrontément le parlement de Metz, et toujours avec ce style qu’on puise dans les écoles.

Ils ont conservé le même orgueil sous la cendre dans laquelle la France, l’Espagne, les ont plongés. Le serpent coupé en tronçons a levé encore la tête du fond de cette cendre. On a vu je ne sais quel misérable, nommé Nonotte, s’ériger en critique de ses maîtres, et cet homme, fait pour prêcher la canaille dans un cimetière, parler à tort et à travers des choses dont il n’avait pas la plus légère notion[3]. Un autre insolent de cette société, nommé

  1. Voltaire a répété ce passage, en 1777, dans l’article xi du Prix de la justice et de l’humanité.
  2. Tome II, page 399. (Note de Voltaire.)
  3. Voyez dans les Mélanges, année 1763, les Éclaircissements historiques ; et, année 1767, la 22e des Honnêtetés littéraires.