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JOB.

Un autre orgueil des jésuites était de faire des missions dans les villes, comme s’ils avaient été chez des Indiens et chez des Japonais. Ils se faisaient suivre dans les rues par la magistrature entière. On portait une croix devant eux, on la plantait dans la place publique ; ils dépossédaient le curé, ils devenaient les maîtres de la ville. Un jésuite nommé Aubert fit une pareille mission à Colmar, et obligea l’avocat général du conseil souverain de brûler à ses pieds son Bayle, qui lui avait coûté cinquante écus : j’aurais mieux aimé brûler frère Aubert. Jugez comme l’orgueil de cet Aubert fut gonflé de ce sacrifice, comme il s’en vanta le soir avec ses confrères, comme il en écrivit à son général.

Ô moines ! ô moines ! soyez modestes, je vous l’ai déjà dit[1] ; soyez modérés, si vous ne voulez pas que malheur vous arrive.



JOB[2].


Bonjour, mon ami Job ; tu es un des plus anciens originaux dont les livres fassent mention ; tu n’étais point Juif : on sait que le livre qui porte ton nom est plus ancien que le Pentateuque. Si les Hébreux, qui l’ont traduit de l’arabe se sont servis du mot Jéhova pour signifier Dieu, ils empruntèrent ce mot des Phéniciens et des Égyptiens, comme les vrais savants n’en doutent pas. Le mot Satan n’était point hébreu, il était chaldéen ; on le sait assez.

Tu demeurais sur les confins de la Chaldée. Des commentateurs, dignes de leur profession, prétendent que tu croyais à la résurrection, parce qu’étant couché sur ton fumier tu as dit, dans ton dix-neuvième chapitre, que tu t’en relèverais quelque jour. Un malade qui espère sa guérison n’espère pas pour cela la résurrection ; mais je veux te parler d’autres choses.

Avoue que tu étais un grand bavard ; mais tes amis l’étaient davantage. On dit que tu possédais sept mille moutons, trois mille chameaux, mille bœufs, et cinq cents ânesses. Je veux faire ton compte.

  1. Voyez ci-dessus, pages 392 et 424 ; et dans les Mélanges, année 1762, les derniers mots du Petit Avis à un jésuite..
  2. Édition de 1767 du Dictionnaire philosophique. Voyez aussi l’article Arabes, tome XVII, page 342.