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EXPIATION.

L’absolution d’un inceste, quatre tournois pour un laïque ; « ab incostu pro laïco in foro conscientiæ turonenses quatuor. » Pour l’homme et la femme qui ont commis l’inceste, dix-huit tournois quatre ducats et neuf carlins. Cela n’est pas juste; si un seul ne paye que quatre tournois, les deux ne devaient que huit tournois.

La sodomie et la bestialité sont mises au même taux, avec la cause inhibitoire au titre xliii : cela monte à 90 tournois 12 ducats et 6 carlins ; « cum inhibitione turonenses 90, ducatos 12, carlinos 6, etc, »

Il est bien difficile de croire que Léon X ait eu l’imprudence de faire imprimer cette taxe en 1514, comme on l’assure ; mais il faut considérer que nulle étincelle ne paraissait alors de l’embrasement qu’excitèrent depuis les réformateurs, que la cour de Rome s’endormait sur la crédulité des peuples, et négligeait de couvrir ses exactions du moindre voile. La vente publique des indulgences[1] qui suivit bientôt après, fait voir que cette cour ne prenait aucune précaution pour cacher des turpitudes auxquelles tant de nations étaient accoutumées. Dès que les plaintes contre les abus de l’Église romaine éclatèrent, elle fit ce qu’elle put pour supprimer le livre ; mais elle ne put y parvenir.

Si j’ose dire mon avis sur cette taxe, je crois que les éditions ne sont pas fidèles ; les prix ne sont du tout point proportionnés : ces prix ne s’accordent pas avec ceux qui sont allégués par d’Aubigné, grand-père de Mme de Maintenon, dans la Confession de Sanci ; il évalue un pucelage à six gros, et l’inceste avec sa mère et sa sœur à cinq gros : ce compte est ridicule. Je pense qu’il y avait en effet une taxe établie dans la chambre de la daterie, pour ceux qui venaient se faire absoudre à Rome, ou marchander des dispenses, mais que les ennemis de Rome y ajoutèrent beaucoup pour la rendre plus odieuse. Consultez Bayle aux articles Banck, Du Pinet, Drelincourt.

Ce qui est très-certain, c’est que jamais ces taxes ne furent autorisées par aucun concile ; que c’était un abus énorme inventé par l’avarice, et respecté par ceux qui avaient intérêt à ne le pas abolir. Les vendeurs et les acheteurs y trouvaient également leur compte : ainsi, presque personne ne réclama, jusqu’aux troubles de la réformation. Il faut avouer qu’une connaissance bien exacte de toutes ces taxes servirait beaucoup à l’histoire de l’esprit humain.

  1. Voyez tome XII, page 280 ; et plus loin le mot Taxe.