Ayez du moins pitié de tant d’autres victimes ;
Frappez, ne craignez rien, vous m’épargnez des crimes.
Ne vous accusez point d’un destin si cruel ;
Vous êtes malheureux, et non pas criminel :
Dans ce fatal combat que Daulis vous vit rendre,
Vous ignoriez quel sang vos mains allaient répandre ;
Et, sans trop rappeler cet affreux souvenir,
Je ne puis que me plaindre, et non pas vous punir.
Vivez…
Moi, que je vive ! Il faut que je vous fuie.
Hélas ! Où traînerai-je une mourante vie ?
Sur quels bords malheureux, en quels tristes climats,
Ensevelir l’horreur qui s’attache à mes pas ?
Irai-je, errant encore, et me fuyant moi-même,
Mériter par le meurtre un nouveau diadème ?
Irai-je dans Corinthe, où mon triste destin
À des crimes plus grands réserve encor ma main ?
Corinthe ! Que jamais ta détestable rive…
Scène IV.
Seigneur, en ce moment un étranger arrive :
Il se dit de Corinthe, et demande à vous voir.
Allons, dans un moment je vais le recevoir.
Adieu : que de vos pleurs la source se dissipe.
Vous ne reverrez plus l’inconsolable Œdipe :
C’en est fait, j’ai régné, vous n’avez plus d’époux ;
En cessant d’être roi, je cesse d’être à vous.
Je pars : je vais chercher, dans ma douleur mortelle,
Des pays où ma main ne soit point criminelle ;
Et vivant loin de vous, sans états, mais en roi,
Justifier les pleurs que vous versez pour moi.